[FANBOY INSIDE 51] - SHADOW OF THE COLOSSUS - PS2
Publié : 17 févr. 2011, 17:19
Ce sont les dieux qui ont accompli ce sacrifice, en démembrant le géant primordial. Sa tête devint le Soleil, ses pieds donnèrent naissance à la Terre, son oreille devint les orients, de sa conscience naquit la Lune, et de son souffle le vent.
Hymne X, 90 du Rig Veda.
Bien le bonjour, amis gameurs et shmuppeurs de tous horizons !!!
Ce n’est pas une mince affaire que d’évoquer à travers quelques paragraphes un jeu de la trempe de Shadow of Colossus, et vous en conviendrez, les tests de qualité abondent déjà sur la toile et force est de constater que même chez les chroniqueurs les plus aguerris il est bien difficile de ne pas se laisser emporter à un moment ou un autre, par une déferlante de sentiments et d’impressions dès lors que l’on veut approfondir le sujet.
Cet espace initié par Yace se veut différent, et le maitre-mot est ici la Passion.
J’ai donc pris le mot au pied de la lettre, et laisser filer la plume au gré de l’inspiration.
Alors, il pourra m’être reproché de ne pas avoir évoqué ICO, et il est évident que les liens unissant ce dernier avec le jeu qui nous occupe présentement, vont au delà d’une simple empreinte graphique commune, et pour cause, le studio responsable de ce que je considère comme une création vidéoludique sans précédent, répond au nom de team ICO,une équipe de développement japonaise appartenant à Sony Computer Entertainment.
En attendant la sortie prochaine de « The Last Guardian » sur console nextGen qui cette fois, pourra faire l’objet d’une analyse en considérant le triptyque dans son ensemble, je vous propose un ressentis personnel et le moins que l’on puisse dire, passionné, ces lignes n’ayant pour seul objectif que de vous donner envie de commencer cette quête qui ne ressemble à aucune autre. C'est peut-être la première fois qu'un jeu vidéo touche l’Universel et le Traditionnel avec autant de force et il m'était impossible en survolant Shadow of The Colossus il y a quelques années, de passer aujourd'hui sous silence cette dimension, sans perdre de vue bien sur, que ce Chef-d’œuvre signé Fumito Ueda, reste volontairement énigmatique pour que milles (et une) interrogations jaillissent de nos petites tètes rêveuses.
Bonne lecture !!!
Petit rappel de l’histoire , Wanda sur sa monture, un superbe cheval noir nommé Agro, traverse cols et montagnes aux couleurs sépias, grises, presque monochromes, ici rien de réellement chatoyant; le bleu n’est pas vraiment bleu, le vert n’est pas vraiment vert, mais un élément unit presque désespérément ces paysages qui, dès les premiers instants, réussissent à nous faire perdre pied, à modifier notre perception de l’espace et du temps : une évanescence, une volute quasi spirituelle qui homogénéise des décors qui très rapidement vont dévoiler leurs gigantisme.
Comme pour achever cette unicité mystique, ciel et terre semblent ne former qu’un. Ici, la « sphère » profane n’existe pas, tout au contraire, le sacré est appuyé par la symbolique Universelle, Wanda et son fidèle destrier arrivent au pied d’un pont majestueux, symbole du passage par excellence et transition entre deux mondes. Ces deux mondes qui sont ceux du Ciel et de la Terre, le pont étant l’axe liant les deux.
Wanda quitte donc le monde formel pour l’enceinte sacré mais néanmoins maudite, où lui attendent de nombreuses péripéties, et où il devra faire face à son destin.
Très rapidement l’on devine quelque chose de plus sur la monture, une silhouette, une personne peut-être, voila la raison de la venue de Wanda sur ces terres oubliées, elle s’appelle Mono, une jeune fille de blanc vêtue qui semble plongée dans un profond sommeil.
La fin du pont laisse apparaitre un temple monumentale dans lequel notre héros s’engouffre pour y découvrir une salle immense ou trônent de grandes statues de chaque cotés puis au fond, un autel auréolé d’une lumière intense et diffuse émanant de l’arrière plan: Wanda descend de son cheval et dépose délicatement Mono sur la stèle.
La mission suprême de Wanda ne tarde pas à être révélée par Dormin, un Esprit qui va en apprendre davantage sur la destinée du jeune homme : 16 colosses sont cachés dans cette contrée et le seul moyen pour que Mono revienne à la vie est de les terrasser.
DORMIN ou NIMROD ?
La figure de Nimrod telle qu’elle est rapportée par l’histoire est complexe et protéiforme, je vais cependant me contenter d’évoquer succinctement quelques points dignes d’intérêt ainsi que quelques rapprochements possibles avec Shadow of the Colossus.
Nimrod pourrait incarner à lui tout seul la malédiction et le châtiment divin puisque selon l’histoire biblique, il n’avait de cesse de provoquer Dieu, jusqu’au jour où il le fit de la plus magistrale et arrogante des manières en ordonnant la construction de la fameuse Tour de Babel provoquant la colère de Dieu qui multiplia les langues pour punir les hommes qui ne se comprirent plus, causant l’arrêt de la construction de l’édifice.
Il est amusant de noter que Dormin est le reflet orthographique de Nimrod (le même petit jeu de mot avait été fait avec Dracula et Alucard dans la série Castlevania) et, qu’il s’adresse à Wanda dans une langue imaginaire ancestrale, peut-être d’ailleurs un clin d’œil volontaire à la langue Adamique unique qui est supposée précéder l’apparition des nombreuses langues telles qu’elles nous sont arrivées aujourd’hui dans leurs évolutions respectives.
Figure du Roi Nimrod en cuivre
En outre, il est intéressant de signaler également que dans La Divine Comédie, Dante décrit Nimrod comme le Gardien du « puits des Géants » dans le 8ème Cercle de l’Enfer, et qu’il lui parle également dans une langue imaginaire.
Dormin annonce et scelle le sort de Wanda, mais en vérité les deux protagonistes sont complémentaires, et il s’agit d’un pacte qui consiste en ce que Dormin redonne vie à Mono alors que Wanda doit impérativement défaire les 16 Colosses afin que Dormin retrouve son véritable aspect.
En revanche, il semble difficile de savoir si Wanda a conscience où non du sacrifice qu’il doit payer de sa propre personne qui est d’une double nature : physique et morale, compte tenu du défi qu’il doit relever pour venir à bout des titans de pierre, et métaphysique, car sa condition est liée à celle des colosses (comme pouvait l’être celle de Frodon avec l’anneau unique).
A chaque fois que Wanda terrasse un colosse il est plus marqué, plus imprégné par cette « vitalité infernale » qui habite chacun d’eux et dont Dormin a tant besoin pour se libérer lui-même et pouvoir redonner la vie à Mono qui reprend des couleurs depuis son autel où elle git, alors que Wanda devient à chaque fois un peu plus diaphane.
UN UNIVERS UNIQUE.
Shadow of The Colossus pulvérise sans vergogne et avec brio les canons du jeu d’aventure tel que nous les connaissons, il y a un avant et un après Shadow of the Colossus, et quitte à décevoir ou déstabiliser le commun des joueurs mortels, la relation si particulière qui est proposée ici entre le joueur et un openworld sous l’égide de l’unicité avec un décorum lunaire qui semble encore être en « work in progress » est tout bonnement exceptionnelle.
Pas d’êtres vivants, ou presque, tout au plus quelques poissons et lézards qu’il faudra dénicher et éliminer avec son arc afin d’augmenter son endurance. Quelques oiseaux qui dominent un ciel vaporeux et le sommet des colosses dans leurs mouvements lents et majestueux.
L’illusion est parfaite, tout est ouvert, sans limite, le cadre du téléviseur et les deux jauges d’énergies viennent tristement nous rappelés que nous sommes devant un jeu vidéo qui parvient avec maestria à susciter un sentiment d’intemporalité d’une qualité rare.
A la trappe les menus, les sous-menus, et autres inventaires rébarbatifs, exit tout type d’interactions avec des habitants, il n’y a personne ; et c’est tant mieux.
Pourtant, c’est avec une grande facilité que le héros nous invite à travers ses déplacements à devenir contemplatif, à réfléchir sur le destin qui est le sien mais aussi le notre.
Les somptueux paysages qui pourraient rappeler les immenses plateaux d’Asie ou le nord de l'Europe semblent emprisonnés Wanda, comme si il était dans un écrin géant, mais également, ils semblent le libérer ne serait-ce qu’en le voyant parcourir cette terre à bride abattues sur son cheval, puis le voir s’effaroucher subitement devant un précipice.
Enfer ou paradis ? Peut-être ni l’un ni l’autre, mais la certitude que cette contrée ou règnent le désespoir, la solitude, l’immensité, le retrait, mais aussi la remise en question et le fait de puiser en soi-même à la recherche de possibilités enfouies et insoupçonnées, sont autant de ressentis quasi palpables que seul le vocable « initiation » pourrait définir.
Vous traverserez et visiterez des plaines à pertes de vues, des montagnes gigantesques, des vallées et plateaux ponctuées de ruines d'un autre temps, des lacs, mais aussi quelques lieux plus intimistes comme une clairière arrosée d’une légère pluie bienfaitrice et traversée par les rayons de lumière, cette lumière si spéciale qui parait absorber toute matière.
Le bruit du vent, de l’eau, un panorama végétal et minéral renversant, onirique et ésotérique et pourtant qui nous semble si familier, tout semble tendre vers un atavisme, un retour à l’origine : la dimension humaine n’a pas sa place en ce lieu. Le paysage est si l’on peut dire, le 17ème colosse. La matrice de tous les géants.
Cependant, la relation de Wanda avec sa fidèle monture Agro vient bousculer cet espace-temps si singulier, et ces deux figures bien vivantes apportent une chaleur réconfortante avec une amitié et une complicité sans faille. Il n’y à qu’a voir le nombre de petites actions touchantes qu’ils peuvent réaliser ensembles pour sans rendre compte. Les deux personnages fusionnent littéralement, et cette relation illustre à merveille la beauté et la profondeur de la symbiose immémoriale qui existe entre l'homme et le cheval.
Si Link et Epona dans la saga de Zelda avaient déjà mis en évidence cette profonde amitié entre le héros au cœur pur et son cheval avec tout le symbolisme et la noblesse qu’incarne l’animal, Wanda et Agro la sublime ici totalement.
Comme pour accentuer l’importance d’Agro dans cette quête surhumaine, la fine et frêle silhouette de Wanda apparait petite et enfantine sur le dos de l’animal qui sera d’ailleurs d'une importance capitale lors de certains combats.
Tachez de ménager votre monture !
DES DUELS HOMÉRIQUES.
Une épée et un arc, telles sont les armes dont dispose Wanda pour espérer faire tomber les titans, où plus exactement, les outils qui permettront dans un premier temps d’amorcer le combat.
Heureusement l’épée est magique, et son rôle va au-delà de l’utilisation qui lui est attribuée d’ordinaire, en effet une fois brandie vers le ciel, des faisceaux lumineux apparaissent pour s’intensifier à mesure que l’orientation de Wanda se précise par rapport à la position du colosse, mais attention ! Cette boussole infaillible ne l’est pas totalement car elle ne prendra pas en compte le relief que vous aurez en face de vous, et il faudra redoubler de ruse et d’ingéniosité pour trouver le bon chemin qui vous conduira à lui.
Cette seule épée peut vaincre les colosses, elle est unique et possède une double fonction, en effet traditionnellement, l’épée et son double tranchant est à rapprocher de la hache (à deux tranchants) ou même du marteau( et de sa forme en "T") comme celui que possède Thor dans la mythologie Nordique. Tantôt arme associée à la foudre ou à la lumière, l'épée est un prolongement presque naturel du héros.
Elle possède Traditionnellement de nombreuses significations : elle symbolise le Verbe et la Parole (pouvoir créateur et destructeur), en effet dans Shadow of the Colossus, la résurrection de Mono doit passer par la destruction des colosses, et il y a lieu de mentionner également sa réciprocité avec l’élément de la foudre et du rayon solaire par exemple dans le symbolisme Tibétain (le Vajra) qui va de pair avec la « paternité divine ».
Dans le symbolisme Occidental c’est Zeus-Pater qui détient la foudre et il détruisit les Géants et les titans de la même manière que le fit Thor dans le symbolisme Nordique avec sa légendaire arme de pierre.
C’est une fois devant l’une de ces créatures que le jeu dévoile toute sa dimension épique et que débute une sorte d’archétype ancestral du combat, le duel dans toute sa splendeur : chaque pas, chaque geste de la créature est un séisme physique et psychologique, un tremblement d’effroi absolu, de fascination, le joueur tout comme Wanda est tétanisé devant ce spectacle hors-norme, comme si soudain une montagne prenait vie.
La chimère naturelle de par sa constitution vous fixe d'un regard vide, tout aussi médusée que vous, la sensation d’éloignement est prodigieuse et soudainement quelques questions viennent effleurées votre esprit : Mais pourquoi ? Que m’a donc fait cette créature pour que je me permette de la provoquée, de lui décocher une flèche depuis un talus, un rocher, depuis ma misérable sécurité illusoire ?
Alors que le déroulement de l’aventure nous berçait jusqu’à cet instant dans une sérénité contemplative totale, la machine se met brutalement en branle, non sans mettre l’accent sur un round d’observation où vos armes seront capitales ne serait-ce que pour espérer débuter votre ascension sur une des parties de cette montagne vivante.
L’observation est donc primordiale, et ce sont vos armes qui devront révéler les points faibles du monstre monolithique malgré lui, dévoilant ainsi sa fragilité ; Et l’on prend conscience progressivement que ce monstre d’apparence indestructible peut chavirer. Sa morphologie nous renvois à des images que nous connaissons bien et qui nous émeuvent ou participent de nos plus profondes phobies : Oiseaux, reptiles, félins, monstres marins, ou encore la réconfortante silhouette d’un sage barbu, centenaire mi-humain, mi- animal, fantasmagorique.
Autant de signes extérieurs qui nous submergent encore plus de doutes, de remords et finalement, d’une grande tristesse : qui sommes-nous pour oser perturber dans sa quiétude cette fabuleuse créature sortant de la nuit des temps ? Et surtout, la cause égoïste de Wanda mérite t-elle un si grand sacrifice ?…
Mais un équilibre vient s’instaurer comme par miracle, Wanda à son tour va nous émouvoir comme rarement un personnage de jeu vidéo l’a fait, et ici, la transcription de l’effort et d’une volonté à toutes épreuves force le respect.
« AUX GRANDS POUVOIRS, DE GRANDES RESPONSABILITÉS »
A ce stade, je ne peux m’empêcher de faire un clin d’œil aux dernières productions cinématographiques popcorn/canapé/pantoufles de ces dernières années, et c’est le deuxième volet de Spiderman réalisé par Sam Raimi qui m’avait interpellé.
Wanda et Peter Parker ont quelques points communs qui, je vous l’accorde, ne sautent pas yeux (outre celui de les voir escalader une paroi comme un insecte), leur jeunesse et finalement cette inexpérience presque naïve de la vie ou l’on se cherche, on tâtonne, en quête de sens, où l’on doute autant pour une chose importante que pour une futilité.
Peter Parker fait partie de cette race de héros, il doit faire des choix qui vont avoir une incidence déterminante sur sa destinée, aussi grande que celle de Wanda (la dimension spirituelle en moins), en magnifiant ses actions d’une façon extraordinaire, et je pense plus spécialement à cette scène mémorable ou Spiderman affronte le Doctor Octopus depuis le sommet d'un clocher jusqu'au toit d'un métro aérien en mouvement (préférez lui d’ailleurs la version 2.1 du film qui offre quelques plans supplémentaires).
Un festival d’acrobaties gracieuses, superbement chorégraphiées et de situations impossibles ou Spiderman doit gérer non seulement les attaques sournoises de son ennemi , mais aussi veiller continuellement à ce que les citoyens soient sauvés : si Spiderman n’est pas directement responsable de la folie d’Octopus , il est au moins au centre d’un sacré bazar qu’il doit résoudre avec des moyens sinon limitées , au moins peu étendus, si l’on pense aux pouvoirs titanesques d’autres super-héros bien connus.
Des pouvoirs pas si extraordinaires que ça donc, quelques faiblesses même, qui nous touchent parce que nous les avons aussi, et que cela résonne en nous, néanmoins, une victoire partielle à l'issue d'un duel à couper le souffle, et cette épilogue où les passagers du métro sains et saufs, déclarent après avoir vu le vrai visage de Spiderman : « Mais ce n’est qu’un gosse » !
Avec son apparence juvénile, Wanda lui aussi, saute, esquive, s’accroche à la moindre aspérité du Titan, cherche les moindres rebords avec la force du désespoir, la plus mince corniche franchie est une grande victoire, un palier supplémentaire qui s’accompagne de petits gémissements, de petits cris qui traduisent une détermination aussi grande que la taille du monstre qu’il gravit, et à mesure que l’ascension progresse, le vertige devient presque réel avec en prime l’obligation de surveiller la jauge d’endurance que l’on doit économiser au maximum en profitant de la plus petite alcôve pour se reposer et repartir de plus belle.
Ce duel homérique est traversé de milles sentiments, mais peut-être davantage de cette espèce d’aveuglement qui se dégage de notre héros « humain », cette non-résignation impériale et absolue qui transcende l’être, force sans limite et entièrement dévolue à la cause de Mono que celle qui émane de Wanda et qui touche immanquablement car elle dépasse le cadre humain pour caresser l’immortalité, à l’instar de Siegfried dans la mythologie Scandinave, qui terrasse le Dragon, ce qui à pour conséquence la conquête de la vie éternelle, point de jonction avec le centre de l’état humain, c’est-à-dire le point de communication avec les états supérieurs.
Une fois que Wanda se trouve au cœur du duel et qu’il parvient à se déplacer sur les flancs poilus et rocailleux du monstre, il se passe quelque chose d’extraordinaire, mais cette fois sur le plan technique. En effet, les mouvements de caméras sont admirables et très intelligents si l’on tient compte de la complexité de la mise en scène.
Tour à tour, le colosse et le joueur sont mis en valeur avec une succession de gros plans et de vues d’ensembles absolument grisants et magnifiques, qui permettent à Wanda de pouvoir déceler les points faibles de ce qu’il convient d’appeler un véritable stage vivant.
A la moindre douleur qu’éprouve la bête, elle remue, se secoue dans tous les sens comme le ferait un animal, et il suffit d’un instant d’inattention pour que Wanda se retrouve éjecté et qu’il doive repartir à zéro.
L’épée unique qui a servit de guide se révèle aussi être l’arme fatale, véritable point d’orgue d’un duel éprouvant et désespéré, toujours sur le fil du rasoir, le spectateur assiste à une mise à mort où le sublime-tragique atteint son paroxysme. L'estocade finale qui n'est pas sans rappeler le controversé spectacle tauromachique.
Et la musique, parlons en, où plutôt non... après tout, s’essayer à commenter la musique de ce monument est tout aussi difficile que de parler du jeu lui-même, ça se vit, ça s’écoute… Les musiques arrivent à nos oreilles avec une parfaite justesse, accompagnant à ravir l’action supra-héroïque d’une toute aussi belle manière que les phases de « non-agir », de superbes montées en crescendo ponctuant chaque étape critique dans le duel jusqu’au dénouement final ou cette masse géante vient s'écraser lentement pendant que des chœurs sacrés retentissent, le poids accable Wanda jusqu’à la bataille suivante et le joueur à cet instant se sent vidé, coupable.
AU FIRMAMENT VIDEOLUDIQUE .
En cette époque désenchantée et sécularisée, Shadow of the Colossus surgit de nulle part comme une oasis dans le désert.
Consciemment où non, il nous parle du passé, non d’un passé révolu et nostalgique mais d’un passé qui porte les germes de l’ancestral qui est en nous, et qui résonne à chaque battement de cœur.
Ces choses du passé qui ont du sens et qui relèvent de l’immuable (et non de l’immobile, confusion assez répandue de nos jours), il nous parle aussi du Ciel et de la Terre en tant que parfait binôme (concrètement dans le jeu, les longs faisceaux lumineux qui montent au ciel et les points de sauvegardes qui sont autant de lieux de prières et de recueillement), le Ciel comme image du transcendant.
Shadow of The Colossus à aussi le don de nous renvoyer à nos responsabilités, à la manière dont nous percevons où pas le destin, la Providence.
Il fait parti de ces propositions artistiques qui parviennent à poser un terrain fertile et propice à ce que l’imagination puisse se déployer comme dans un bon livre, tout y est juste, ordonné, mais suffisamment libre et ouvert pour laisser passer une avalanche de sentiments tous aussi profonds les uns que les autres.
Certes, pour s’essayer à cette merveille du jeu vidéo il faut acquérir du « matériel » et contribuer à gonfler le « P.I.B » en faisant vivre les autres (intention fort louable, pour le coup) et quelle singulière ironie pour un individu qui aurait renoncé aux « biens » de ce monde, et en particulier aux machines aliénantes que sont les consoles de jeu, et risquer de passer à coté d’un tel joyau !
Paradoxe terrible pour une œuvre de cette envergure, elle est prisonnière d'un support mondialement populaire mais toujours marginalisé, le jeu vidéo ne reste aux yeux d'une majorité qu'un vulgaire divertissement.
Shadow of The Colossus est condamné à ne jamais pouvoir atteindre le statut de Chef-d'œuvre universel à cause du support qui le révèle, triste injustice.
Mais avouons le, quelle récompense, quelle prise de conscience à la clef pour celui qui passe outre ! Et quelle triple gifle aux ignorants qui persistent à penser que le jeu vidéo est un « art » de seconde zone destiné à des ados « autistes » ou à des adultes qui auraient oubliés de grandir.
Je me souviens avoir déclaré peu de temps après avoir terminé le jeu, quelque chose comme « la littérature est moribonde…depuis que Shadow of the Colossus existe ». Certainement la conséquence d’un enthousiasme exagéré et d’une dose de provocation,... évidemment, les deux supports ne se comparent pas.
Mais il serait fort réducteur de croire que Shadow of the Colossus nous mâche le travail sous prétexte qu’il réunit visuel, ambiance sonore, et spectacle comme un film, bien au contraire, il rend possible le miracle de l’abstraction par la figuration et nous invite en dévoilant une intrigue au compte goutte à la réflexion jusqu'au bout de l'aventure et bien au-delà. La marque incontestable des grands.
A l’image du colosse qui fait naitre respect et humilité, le joueur/spectateur se sent désemparé car le sacrifice est proche et inéluctable, allégorie du sacrifice rituel et non du meurtre, nuance o combien importante que la société moderne ne comprend plus et rejette.
C’est à se demander si les concepteurs ont bien mesuré la teneur « supra-humaine » de leur bébé, et, à ce titre, certaines créations musicales qui me tiennent particulièrement à cœur m’ont conduit à me poser la même question, comme si a son insu, l’être humain dans sa démarche créatrice devenait le « médium » d’une force qui le dépasse, mais irrémédiablement duper par son égo et son psychisme, il attestera en toute bonne foi qu’il est bien l’auteur et que cela vient de son cerveau « génial ».
Diamant brut qu'il ne tiendra qu'à vous de polir, à milles lieux de toute interprétation psychanalytique stérile, et sans aucune compromission, Shadow of the Colossus nous invite peut –être comme aucun autre jeu, à vivre une chaine de destins ou l’interdépendance des protagonistes est soigneusement mise en lumière pour faire ressortir le sens profond du sacrifice et la valeur sacrée de la vie.
Le chemin initiatique de Wanda est jalonné d’épreuves toutes aussi symboliques les unes que les autres pour conclure sur un final bouleversant et poignant ; la plus belle fin qu'il m'ait été donné de voir dans ma chienne de vie, moment ultime ou les larmes ne manqueront pas de couler de vos yeux en réalisant une dernière épreuve pré-édénique qu’aucun sentiment humain ne saurait décrire.
La parole évangélique selon laquelle « c’est lorsque tout semblera perdu que tout sera sauvé » prend ici tout son sens. Shadow of the Colossus n’est ni pessimiste ni optimiste, et c’est selon moi ce qui fait toute sa force : il participe résolument du vrai, et le beau qui s’en dégage en est le reflet.
D’une beauté rare justement, d’une profondeur inouïe, et intimement lié à son illustre prédécesseur ICO, il n’est pas impossible qu’il le soit aussi avec le futur The Last Guardian qui nous l’espérons, fera honneur aux capacités étendues de la PS3, là où la PS2 visiblement, s'est retrouvée techniquement dépassée devant l'ampleur et l'ambition d'un tel projet.
Pied de nez radical (volontaire ?) aux dogmes pseudo-pérennes de la modernité, Chef-d’œuvre Traditionnel absolu dans sa portée et son contenu mais qui ne le dit pas, ode magistrale à la Spiritualité et à l’introspection qui élève l’être à des hauteurs insoupçonnées, jeu d'aventure déconcertant abolissant les mécaniques huilées de la plupart de nos acquisitions, sublime et titanesque boss-rush qui ne ressemble à rien d'autre, prodige d'inventivité par le "vide" pour nous nourrir l'esprit, expérience et œuvre unique totalement immersive, Shadow of the Colossus restera à jamais gravé sur ces monolithes de ce monde intemporel qui pendant quelques heures nous aura fait sentir comme un parfum d’éternité.
A la Team ICO, je dis, MERCI.
" La Fable est le pont qui conduit à la vérité"
Mais je ne vous abandonne pas comme ça !!! impossible de vous quitter sans un aperçu en video !
Les voici : les introductions d'ICO et Shadow of the Colossus, ainsi que le trailer de The Last Guardian.
ICO / NICO / TRICO
http://www.youtube.com/watch?v=ThfWezaxPV0
http://www.wat.tv/video/shadow-of-the-c ... ey33_.html
http://www.youtube.com/watch?v=EHzHoMT5eRg
Quelques repères et références:
- Le DVD "Nico", genèse en image de Shadow of The Colossus.
- Shadow of the Colossus/Wanda to Kyozō - Original soundtrack.
- Shadow of the Colossus/ArtBook.
- Shadow of the Colossus PS2/PAL - Inclus un petit documentaire et interview des créateurs.
- A venir , une compilation des jeux ICO/Shadow of the Colossus sur PS3 avec un rendu Haute Définition.
- Un lien d'un excellent article qui s'attarde exclusivement sur les aspects Mythiques et Traditionnels de Shadow of The Colossus:
http://www.consolesyndrome.com/dossiers ... rituelles/
Quelques géants incontournables:
- Le récit biblique de David et Goliath
- King Kong et Godzilla.
- Les Titans des Traditions Grecques et Scandinaves.
.....
Et dans quelques jeux:
- La série des God of War PS2/PS3/PSP.
- La saga Castlevania.
- Legend of Zelda.
.....
Et enfin, quelques films:
- L'Histoire sans fin.
- Jack, le tueur de géants.
- Le Géant de Fer / animation/ warner
- Le Choc des Titans.
- Mickey Mouse - Le brave petit tailleur / animation court.
- Les Nibelungen, Siegried / Fritz Lang.
- Les Voyages de Simbad.
- King kong
- Le Château Ambulant / Princesse Mononoke.
.....
Hymne X, 90 du Rig Veda.
Bien le bonjour, amis gameurs et shmuppeurs de tous horizons !!!
Ce n’est pas une mince affaire que d’évoquer à travers quelques paragraphes un jeu de la trempe de Shadow of Colossus, et vous en conviendrez, les tests de qualité abondent déjà sur la toile et force est de constater que même chez les chroniqueurs les plus aguerris il est bien difficile de ne pas se laisser emporter à un moment ou un autre, par une déferlante de sentiments et d’impressions dès lors que l’on veut approfondir le sujet.
Cet espace initié par Yace se veut différent, et le maitre-mot est ici la Passion.
J’ai donc pris le mot au pied de la lettre, et laisser filer la plume au gré de l’inspiration.
Alors, il pourra m’être reproché de ne pas avoir évoqué ICO, et il est évident que les liens unissant ce dernier avec le jeu qui nous occupe présentement, vont au delà d’une simple empreinte graphique commune, et pour cause, le studio responsable de ce que je considère comme une création vidéoludique sans précédent, répond au nom de team ICO,une équipe de développement japonaise appartenant à Sony Computer Entertainment.
En attendant la sortie prochaine de « The Last Guardian » sur console nextGen qui cette fois, pourra faire l’objet d’une analyse en considérant le triptyque dans son ensemble, je vous propose un ressentis personnel et le moins que l’on puisse dire, passionné, ces lignes n’ayant pour seul objectif que de vous donner envie de commencer cette quête qui ne ressemble à aucune autre. C'est peut-être la première fois qu'un jeu vidéo touche l’Universel et le Traditionnel avec autant de force et il m'était impossible en survolant Shadow of The Colossus il y a quelques années, de passer aujourd'hui sous silence cette dimension, sans perdre de vue bien sur, que ce Chef-d’œuvre signé Fumito Ueda, reste volontairement énigmatique pour que milles (et une) interrogations jaillissent de nos petites tètes rêveuses.
Bonne lecture !!!
Petit rappel de l’histoire , Wanda sur sa monture, un superbe cheval noir nommé Agro, traverse cols et montagnes aux couleurs sépias, grises, presque monochromes, ici rien de réellement chatoyant; le bleu n’est pas vraiment bleu, le vert n’est pas vraiment vert, mais un élément unit presque désespérément ces paysages qui, dès les premiers instants, réussissent à nous faire perdre pied, à modifier notre perception de l’espace et du temps : une évanescence, une volute quasi spirituelle qui homogénéise des décors qui très rapidement vont dévoiler leurs gigantisme.
Comme pour achever cette unicité mystique, ciel et terre semblent ne former qu’un. Ici, la « sphère » profane n’existe pas, tout au contraire, le sacré est appuyé par la symbolique Universelle, Wanda et son fidèle destrier arrivent au pied d’un pont majestueux, symbole du passage par excellence et transition entre deux mondes. Ces deux mondes qui sont ceux du Ciel et de la Terre, le pont étant l’axe liant les deux.
Wanda quitte donc le monde formel pour l’enceinte sacré mais néanmoins maudite, où lui attendent de nombreuses péripéties, et où il devra faire face à son destin.
Très rapidement l’on devine quelque chose de plus sur la monture, une silhouette, une personne peut-être, voila la raison de la venue de Wanda sur ces terres oubliées, elle s’appelle Mono, une jeune fille de blanc vêtue qui semble plongée dans un profond sommeil.
La fin du pont laisse apparaitre un temple monumentale dans lequel notre héros s’engouffre pour y découvrir une salle immense ou trônent de grandes statues de chaque cotés puis au fond, un autel auréolé d’une lumière intense et diffuse émanant de l’arrière plan: Wanda descend de son cheval et dépose délicatement Mono sur la stèle.
La mission suprême de Wanda ne tarde pas à être révélée par Dormin, un Esprit qui va en apprendre davantage sur la destinée du jeune homme : 16 colosses sont cachés dans cette contrée et le seul moyen pour que Mono revienne à la vie est de les terrasser.
DORMIN ou NIMROD ?
La figure de Nimrod telle qu’elle est rapportée par l’histoire est complexe et protéiforme, je vais cependant me contenter d’évoquer succinctement quelques points dignes d’intérêt ainsi que quelques rapprochements possibles avec Shadow of the Colossus.
Nimrod pourrait incarner à lui tout seul la malédiction et le châtiment divin puisque selon l’histoire biblique, il n’avait de cesse de provoquer Dieu, jusqu’au jour où il le fit de la plus magistrale et arrogante des manières en ordonnant la construction de la fameuse Tour de Babel provoquant la colère de Dieu qui multiplia les langues pour punir les hommes qui ne se comprirent plus, causant l’arrêt de la construction de l’édifice.
Il est amusant de noter que Dormin est le reflet orthographique de Nimrod (le même petit jeu de mot avait été fait avec Dracula et Alucard dans la série Castlevania) et, qu’il s’adresse à Wanda dans une langue imaginaire ancestrale, peut-être d’ailleurs un clin d’œil volontaire à la langue Adamique unique qui est supposée précéder l’apparition des nombreuses langues telles qu’elles nous sont arrivées aujourd’hui dans leurs évolutions respectives.
Figure du Roi Nimrod en cuivre
En outre, il est intéressant de signaler également que dans La Divine Comédie, Dante décrit Nimrod comme le Gardien du « puits des Géants » dans le 8ème Cercle de l’Enfer, et qu’il lui parle également dans une langue imaginaire.
Dormin annonce et scelle le sort de Wanda, mais en vérité les deux protagonistes sont complémentaires, et il s’agit d’un pacte qui consiste en ce que Dormin redonne vie à Mono alors que Wanda doit impérativement défaire les 16 Colosses afin que Dormin retrouve son véritable aspect.
En revanche, il semble difficile de savoir si Wanda a conscience où non du sacrifice qu’il doit payer de sa propre personne qui est d’une double nature : physique et morale, compte tenu du défi qu’il doit relever pour venir à bout des titans de pierre, et métaphysique, car sa condition est liée à celle des colosses (comme pouvait l’être celle de Frodon avec l’anneau unique).
A chaque fois que Wanda terrasse un colosse il est plus marqué, plus imprégné par cette « vitalité infernale » qui habite chacun d’eux et dont Dormin a tant besoin pour se libérer lui-même et pouvoir redonner la vie à Mono qui reprend des couleurs depuis son autel où elle git, alors que Wanda devient à chaque fois un peu plus diaphane.
UN UNIVERS UNIQUE.
Shadow of The Colossus pulvérise sans vergogne et avec brio les canons du jeu d’aventure tel que nous les connaissons, il y a un avant et un après Shadow of the Colossus, et quitte à décevoir ou déstabiliser le commun des joueurs mortels, la relation si particulière qui est proposée ici entre le joueur et un openworld sous l’égide de l’unicité avec un décorum lunaire qui semble encore être en « work in progress » est tout bonnement exceptionnelle.
Pas d’êtres vivants, ou presque, tout au plus quelques poissons et lézards qu’il faudra dénicher et éliminer avec son arc afin d’augmenter son endurance. Quelques oiseaux qui dominent un ciel vaporeux et le sommet des colosses dans leurs mouvements lents et majestueux.
L’illusion est parfaite, tout est ouvert, sans limite, le cadre du téléviseur et les deux jauges d’énergies viennent tristement nous rappelés que nous sommes devant un jeu vidéo qui parvient avec maestria à susciter un sentiment d’intemporalité d’une qualité rare.
A la trappe les menus, les sous-menus, et autres inventaires rébarbatifs, exit tout type d’interactions avec des habitants, il n’y a personne ; et c’est tant mieux.
Pourtant, c’est avec une grande facilité que le héros nous invite à travers ses déplacements à devenir contemplatif, à réfléchir sur le destin qui est le sien mais aussi le notre.
Les somptueux paysages qui pourraient rappeler les immenses plateaux d’Asie ou le nord de l'Europe semblent emprisonnés Wanda, comme si il était dans un écrin géant, mais également, ils semblent le libérer ne serait-ce qu’en le voyant parcourir cette terre à bride abattues sur son cheval, puis le voir s’effaroucher subitement devant un précipice.
Enfer ou paradis ? Peut-être ni l’un ni l’autre, mais la certitude que cette contrée ou règnent le désespoir, la solitude, l’immensité, le retrait, mais aussi la remise en question et le fait de puiser en soi-même à la recherche de possibilités enfouies et insoupçonnées, sont autant de ressentis quasi palpables que seul le vocable « initiation » pourrait définir.
Vous traverserez et visiterez des plaines à pertes de vues, des montagnes gigantesques, des vallées et plateaux ponctuées de ruines d'un autre temps, des lacs, mais aussi quelques lieux plus intimistes comme une clairière arrosée d’une légère pluie bienfaitrice et traversée par les rayons de lumière, cette lumière si spéciale qui parait absorber toute matière.
Le bruit du vent, de l’eau, un panorama végétal et minéral renversant, onirique et ésotérique et pourtant qui nous semble si familier, tout semble tendre vers un atavisme, un retour à l’origine : la dimension humaine n’a pas sa place en ce lieu. Le paysage est si l’on peut dire, le 17ème colosse. La matrice de tous les géants.
Cependant, la relation de Wanda avec sa fidèle monture Agro vient bousculer cet espace-temps si singulier, et ces deux figures bien vivantes apportent une chaleur réconfortante avec une amitié et une complicité sans faille. Il n’y à qu’a voir le nombre de petites actions touchantes qu’ils peuvent réaliser ensembles pour sans rendre compte. Les deux personnages fusionnent littéralement, et cette relation illustre à merveille la beauté et la profondeur de la symbiose immémoriale qui existe entre l'homme et le cheval.
Si Link et Epona dans la saga de Zelda avaient déjà mis en évidence cette profonde amitié entre le héros au cœur pur et son cheval avec tout le symbolisme et la noblesse qu’incarne l’animal, Wanda et Agro la sublime ici totalement.
Comme pour accentuer l’importance d’Agro dans cette quête surhumaine, la fine et frêle silhouette de Wanda apparait petite et enfantine sur le dos de l’animal qui sera d’ailleurs d'une importance capitale lors de certains combats.
Tachez de ménager votre monture !
DES DUELS HOMÉRIQUES.
Une épée et un arc, telles sont les armes dont dispose Wanda pour espérer faire tomber les titans, où plus exactement, les outils qui permettront dans un premier temps d’amorcer le combat.
Heureusement l’épée est magique, et son rôle va au-delà de l’utilisation qui lui est attribuée d’ordinaire, en effet une fois brandie vers le ciel, des faisceaux lumineux apparaissent pour s’intensifier à mesure que l’orientation de Wanda se précise par rapport à la position du colosse, mais attention ! Cette boussole infaillible ne l’est pas totalement car elle ne prendra pas en compte le relief que vous aurez en face de vous, et il faudra redoubler de ruse et d’ingéniosité pour trouver le bon chemin qui vous conduira à lui.
Cette seule épée peut vaincre les colosses, elle est unique et possède une double fonction, en effet traditionnellement, l’épée et son double tranchant est à rapprocher de la hache (à deux tranchants) ou même du marteau( et de sa forme en "T") comme celui que possède Thor dans la mythologie Nordique. Tantôt arme associée à la foudre ou à la lumière, l'épée est un prolongement presque naturel du héros.
Elle possède Traditionnellement de nombreuses significations : elle symbolise le Verbe et la Parole (pouvoir créateur et destructeur), en effet dans Shadow of the Colossus, la résurrection de Mono doit passer par la destruction des colosses, et il y a lieu de mentionner également sa réciprocité avec l’élément de la foudre et du rayon solaire par exemple dans le symbolisme Tibétain (le Vajra) qui va de pair avec la « paternité divine ».
Dans le symbolisme Occidental c’est Zeus-Pater qui détient la foudre et il détruisit les Géants et les titans de la même manière que le fit Thor dans le symbolisme Nordique avec sa légendaire arme de pierre.
C’est une fois devant l’une de ces créatures que le jeu dévoile toute sa dimension épique et que débute une sorte d’archétype ancestral du combat, le duel dans toute sa splendeur : chaque pas, chaque geste de la créature est un séisme physique et psychologique, un tremblement d’effroi absolu, de fascination, le joueur tout comme Wanda est tétanisé devant ce spectacle hors-norme, comme si soudain une montagne prenait vie.
La chimère naturelle de par sa constitution vous fixe d'un regard vide, tout aussi médusée que vous, la sensation d’éloignement est prodigieuse et soudainement quelques questions viennent effleurées votre esprit : Mais pourquoi ? Que m’a donc fait cette créature pour que je me permette de la provoquée, de lui décocher une flèche depuis un talus, un rocher, depuis ma misérable sécurité illusoire ?
Alors que le déroulement de l’aventure nous berçait jusqu’à cet instant dans une sérénité contemplative totale, la machine se met brutalement en branle, non sans mettre l’accent sur un round d’observation où vos armes seront capitales ne serait-ce que pour espérer débuter votre ascension sur une des parties de cette montagne vivante.
L’observation est donc primordiale, et ce sont vos armes qui devront révéler les points faibles du monstre monolithique malgré lui, dévoilant ainsi sa fragilité ; Et l’on prend conscience progressivement que ce monstre d’apparence indestructible peut chavirer. Sa morphologie nous renvois à des images que nous connaissons bien et qui nous émeuvent ou participent de nos plus profondes phobies : Oiseaux, reptiles, félins, monstres marins, ou encore la réconfortante silhouette d’un sage barbu, centenaire mi-humain, mi- animal, fantasmagorique.
Autant de signes extérieurs qui nous submergent encore plus de doutes, de remords et finalement, d’une grande tristesse : qui sommes-nous pour oser perturber dans sa quiétude cette fabuleuse créature sortant de la nuit des temps ? Et surtout, la cause égoïste de Wanda mérite t-elle un si grand sacrifice ?…
Mais un équilibre vient s’instaurer comme par miracle, Wanda à son tour va nous émouvoir comme rarement un personnage de jeu vidéo l’a fait, et ici, la transcription de l’effort et d’une volonté à toutes épreuves force le respect.
« AUX GRANDS POUVOIRS, DE GRANDES RESPONSABILITÉS »
A ce stade, je ne peux m’empêcher de faire un clin d’œil aux dernières productions cinématographiques popcorn/canapé/pantoufles de ces dernières années, et c’est le deuxième volet de Spiderman réalisé par Sam Raimi qui m’avait interpellé.
Wanda et Peter Parker ont quelques points communs qui, je vous l’accorde, ne sautent pas yeux (outre celui de les voir escalader une paroi comme un insecte), leur jeunesse et finalement cette inexpérience presque naïve de la vie ou l’on se cherche, on tâtonne, en quête de sens, où l’on doute autant pour une chose importante que pour une futilité.
Peter Parker fait partie de cette race de héros, il doit faire des choix qui vont avoir une incidence déterminante sur sa destinée, aussi grande que celle de Wanda (la dimension spirituelle en moins), en magnifiant ses actions d’une façon extraordinaire, et je pense plus spécialement à cette scène mémorable ou Spiderman affronte le Doctor Octopus depuis le sommet d'un clocher jusqu'au toit d'un métro aérien en mouvement (préférez lui d’ailleurs la version 2.1 du film qui offre quelques plans supplémentaires).
Un festival d’acrobaties gracieuses, superbement chorégraphiées et de situations impossibles ou Spiderman doit gérer non seulement les attaques sournoises de son ennemi , mais aussi veiller continuellement à ce que les citoyens soient sauvés : si Spiderman n’est pas directement responsable de la folie d’Octopus , il est au moins au centre d’un sacré bazar qu’il doit résoudre avec des moyens sinon limitées , au moins peu étendus, si l’on pense aux pouvoirs titanesques d’autres super-héros bien connus.
Des pouvoirs pas si extraordinaires que ça donc, quelques faiblesses même, qui nous touchent parce que nous les avons aussi, et que cela résonne en nous, néanmoins, une victoire partielle à l'issue d'un duel à couper le souffle, et cette épilogue où les passagers du métro sains et saufs, déclarent après avoir vu le vrai visage de Spiderman : « Mais ce n’est qu’un gosse » !
Avec son apparence juvénile, Wanda lui aussi, saute, esquive, s’accroche à la moindre aspérité du Titan, cherche les moindres rebords avec la force du désespoir, la plus mince corniche franchie est une grande victoire, un palier supplémentaire qui s’accompagne de petits gémissements, de petits cris qui traduisent une détermination aussi grande que la taille du monstre qu’il gravit, et à mesure que l’ascension progresse, le vertige devient presque réel avec en prime l’obligation de surveiller la jauge d’endurance que l’on doit économiser au maximum en profitant de la plus petite alcôve pour se reposer et repartir de plus belle.
Ce duel homérique est traversé de milles sentiments, mais peut-être davantage de cette espèce d’aveuglement qui se dégage de notre héros « humain », cette non-résignation impériale et absolue qui transcende l’être, force sans limite et entièrement dévolue à la cause de Mono que celle qui émane de Wanda et qui touche immanquablement car elle dépasse le cadre humain pour caresser l’immortalité, à l’instar de Siegfried dans la mythologie Scandinave, qui terrasse le Dragon, ce qui à pour conséquence la conquête de la vie éternelle, point de jonction avec le centre de l’état humain, c’est-à-dire le point de communication avec les états supérieurs.
Une fois que Wanda se trouve au cœur du duel et qu’il parvient à se déplacer sur les flancs poilus et rocailleux du monstre, il se passe quelque chose d’extraordinaire, mais cette fois sur le plan technique. En effet, les mouvements de caméras sont admirables et très intelligents si l’on tient compte de la complexité de la mise en scène.
Tour à tour, le colosse et le joueur sont mis en valeur avec une succession de gros plans et de vues d’ensembles absolument grisants et magnifiques, qui permettent à Wanda de pouvoir déceler les points faibles de ce qu’il convient d’appeler un véritable stage vivant.
A la moindre douleur qu’éprouve la bête, elle remue, se secoue dans tous les sens comme le ferait un animal, et il suffit d’un instant d’inattention pour que Wanda se retrouve éjecté et qu’il doive repartir à zéro.
L’épée unique qui a servit de guide se révèle aussi être l’arme fatale, véritable point d’orgue d’un duel éprouvant et désespéré, toujours sur le fil du rasoir, le spectateur assiste à une mise à mort où le sublime-tragique atteint son paroxysme. L'estocade finale qui n'est pas sans rappeler le controversé spectacle tauromachique.
Et la musique, parlons en, où plutôt non... après tout, s’essayer à commenter la musique de ce monument est tout aussi difficile que de parler du jeu lui-même, ça se vit, ça s’écoute… Les musiques arrivent à nos oreilles avec une parfaite justesse, accompagnant à ravir l’action supra-héroïque d’une toute aussi belle manière que les phases de « non-agir », de superbes montées en crescendo ponctuant chaque étape critique dans le duel jusqu’au dénouement final ou cette masse géante vient s'écraser lentement pendant que des chœurs sacrés retentissent, le poids accable Wanda jusqu’à la bataille suivante et le joueur à cet instant se sent vidé, coupable.
AU FIRMAMENT VIDEOLUDIQUE .
En cette époque désenchantée et sécularisée, Shadow of the Colossus surgit de nulle part comme une oasis dans le désert.
Consciemment où non, il nous parle du passé, non d’un passé révolu et nostalgique mais d’un passé qui porte les germes de l’ancestral qui est en nous, et qui résonne à chaque battement de cœur.
Ces choses du passé qui ont du sens et qui relèvent de l’immuable (et non de l’immobile, confusion assez répandue de nos jours), il nous parle aussi du Ciel et de la Terre en tant que parfait binôme (concrètement dans le jeu, les longs faisceaux lumineux qui montent au ciel et les points de sauvegardes qui sont autant de lieux de prières et de recueillement), le Ciel comme image du transcendant.
Shadow of The Colossus à aussi le don de nous renvoyer à nos responsabilités, à la manière dont nous percevons où pas le destin, la Providence.
Il fait parti de ces propositions artistiques qui parviennent à poser un terrain fertile et propice à ce que l’imagination puisse se déployer comme dans un bon livre, tout y est juste, ordonné, mais suffisamment libre et ouvert pour laisser passer une avalanche de sentiments tous aussi profonds les uns que les autres.
Certes, pour s’essayer à cette merveille du jeu vidéo il faut acquérir du « matériel » et contribuer à gonfler le « P.I.B » en faisant vivre les autres (intention fort louable, pour le coup) et quelle singulière ironie pour un individu qui aurait renoncé aux « biens » de ce monde, et en particulier aux machines aliénantes que sont les consoles de jeu, et risquer de passer à coté d’un tel joyau !
Paradoxe terrible pour une œuvre de cette envergure, elle est prisonnière d'un support mondialement populaire mais toujours marginalisé, le jeu vidéo ne reste aux yeux d'une majorité qu'un vulgaire divertissement.
Shadow of The Colossus est condamné à ne jamais pouvoir atteindre le statut de Chef-d'œuvre universel à cause du support qui le révèle, triste injustice.
Mais avouons le, quelle récompense, quelle prise de conscience à la clef pour celui qui passe outre ! Et quelle triple gifle aux ignorants qui persistent à penser que le jeu vidéo est un « art » de seconde zone destiné à des ados « autistes » ou à des adultes qui auraient oubliés de grandir.
Je me souviens avoir déclaré peu de temps après avoir terminé le jeu, quelque chose comme « la littérature est moribonde…depuis que Shadow of the Colossus existe ». Certainement la conséquence d’un enthousiasme exagéré et d’une dose de provocation,... évidemment, les deux supports ne se comparent pas.
Mais il serait fort réducteur de croire que Shadow of the Colossus nous mâche le travail sous prétexte qu’il réunit visuel, ambiance sonore, et spectacle comme un film, bien au contraire, il rend possible le miracle de l’abstraction par la figuration et nous invite en dévoilant une intrigue au compte goutte à la réflexion jusqu'au bout de l'aventure et bien au-delà. La marque incontestable des grands.
A l’image du colosse qui fait naitre respect et humilité, le joueur/spectateur se sent désemparé car le sacrifice est proche et inéluctable, allégorie du sacrifice rituel et non du meurtre, nuance o combien importante que la société moderne ne comprend plus et rejette.
C’est à se demander si les concepteurs ont bien mesuré la teneur « supra-humaine » de leur bébé, et, à ce titre, certaines créations musicales qui me tiennent particulièrement à cœur m’ont conduit à me poser la même question, comme si a son insu, l’être humain dans sa démarche créatrice devenait le « médium » d’une force qui le dépasse, mais irrémédiablement duper par son égo et son psychisme, il attestera en toute bonne foi qu’il est bien l’auteur et que cela vient de son cerveau « génial ».
Diamant brut qu'il ne tiendra qu'à vous de polir, à milles lieux de toute interprétation psychanalytique stérile, et sans aucune compromission, Shadow of the Colossus nous invite peut –être comme aucun autre jeu, à vivre une chaine de destins ou l’interdépendance des protagonistes est soigneusement mise en lumière pour faire ressortir le sens profond du sacrifice et la valeur sacrée de la vie.
Le chemin initiatique de Wanda est jalonné d’épreuves toutes aussi symboliques les unes que les autres pour conclure sur un final bouleversant et poignant ; la plus belle fin qu'il m'ait été donné de voir dans ma chienne de vie, moment ultime ou les larmes ne manqueront pas de couler de vos yeux en réalisant une dernière épreuve pré-édénique qu’aucun sentiment humain ne saurait décrire.
La parole évangélique selon laquelle « c’est lorsque tout semblera perdu que tout sera sauvé » prend ici tout son sens. Shadow of the Colossus n’est ni pessimiste ni optimiste, et c’est selon moi ce qui fait toute sa force : il participe résolument du vrai, et le beau qui s’en dégage en est le reflet.
D’une beauté rare justement, d’une profondeur inouïe, et intimement lié à son illustre prédécesseur ICO, il n’est pas impossible qu’il le soit aussi avec le futur The Last Guardian qui nous l’espérons, fera honneur aux capacités étendues de la PS3, là où la PS2 visiblement, s'est retrouvée techniquement dépassée devant l'ampleur et l'ambition d'un tel projet.
Pied de nez radical (volontaire ?) aux dogmes pseudo-pérennes de la modernité, Chef-d’œuvre Traditionnel absolu dans sa portée et son contenu mais qui ne le dit pas, ode magistrale à la Spiritualité et à l’introspection qui élève l’être à des hauteurs insoupçonnées, jeu d'aventure déconcertant abolissant les mécaniques huilées de la plupart de nos acquisitions, sublime et titanesque boss-rush qui ne ressemble à rien d'autre, prodige d'inventivité par le "vide" pour nous nourrir l'esprit, expérience et œuvre unique totalement immersive, Shadow of the Colossus restera à jamais gravé sur ces monolithes de ce monde intemporel qui pendant quelques heures nous aura fait sentir comme un parfum d’éternité.
A la Team ICO, je dis, MERCI.
" La Fable est le pont qui conduit à la vérité"
Mais je ne vous abandonne pas comme ça !!! impossible de vous quitter sans un aperçu en video !
Les voici : les introductions d'ICO et Shadow of the Colossus, ainsi que le trailer de The Last Guardian.
ICO / NICO / TRICO
http://www.youtube.com/watch?v=ThfWezaxPV0
http://www.wat.tv/video/shadow-of-the-c ... ey33_.html
http://www.youtube.com/watch?v=EHzHoMT5eRg
Quelques repères et références:
- Le DVD "Nico", genèse en image de Shadow of The Colossus.
- Shadow of the Colossus/Wanda to Kyozō - Original soundtrack.
- Shadow of the Colossus/ArtBook.
- Shadow of the Colossus PS2/PAL - Inclus un petit documentaire et interview des créateurs.
- A venir , une compilation des jeux ICO/Shadow of the Colossus sur PS3 avec un rendu Haute Définition.
- Un lien d'un excellent article qui s'attarde exclusivement sur les aspects Mythiques et Traditionnels de Shadow of The Colossus:
http://www.consolesyndrome.com/dossiers ... rituelles/
Quelques géants incontournables:
- Le récit biblique de David et Goliath
- King Kong et Godzilla.
- Les Titans des Traditions Grecques et Scandinaves.
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Et dans quelques jeux:
- La série des God of War PS2/PS3/PSP.
- La saga Castlevania.
- Legend of Zelda.
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Et enfin, quelques films:
- L'Histoire sans fin.
- Jack, le tueur de géants.
- Le Géant de Fer / animation/ warner
- Le Choc des Titans.
- Mickey Mouse - Le brave petit tailleur / animation court.
- Les Nibelungen, Siegried / Fritz Lang.
- Les Voyages de Simbad.
- King kong
- Le Château Ambulant / Princesse Mononoke.
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