[FANBOY INSIDE 66] The Kid

Tranches de passions surtout rétro et surtout gaming, mais pas que. Alias "FBI" - si les fédéraux débarquent, c'est Yace qui a fait le coup.
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yace
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Citons pour commencer un grand Monsieur du cinéma français, qui hélas n'en comporte plus beaucoup : "Je n'aimerai pas voir un film pour la première fois en vidéo. Un film se voit pour la première fois en salle. Salle et vidéo, c'est un peu la différence entre un livre qu'on lit et un livre qu'on consulte. Prenez Sérénade à Trois de Lubitsch par exemple. Autrefois quand il passait en salle, j'y allais, sachant que je devrai peut-être attendre trois ans pour le revoir. Aujourd'hui, il m'arrive de le visionner trois fois durant la même semaine. Avoir un film en vidéo m'en assure une connaissance bien plus complète. En tant que cinéphile, je suis un fanatique de la vidéo".

Ce grand monsieur, c'est François Truffaut, réalisateur exceptionnel, auteur de grands films comme Tirez sur le Pianiste, Jules et Jim ou encore La Mariée était en noir. Cette citation servait d'ouverture à la collection "Les films de ma vie", une collection qui se devait d'accueillir un film dont le temps n'a aucunement altéré la force, et même au contraire...

BIENVENUE DANS CE FANBOY INSIDE dédié à THE KID de Charlie Chaplin.

L'histoire est simple : dans un quartier miséreux, une jeune femme livrée à elle-même ne parvient plus à survivre avec son tout jeune enfant. Face à la dureté de sa vie, elle se résout à abandonner son enfant en le laissant dans une voiture de luxe en laissant sur lui un laconique billet : "Aimez cet orphelin et prenez soin de lui."

Début tragique pour une fable à la fois comique, humaine et poignante. Après le départ de la jeune femme, Deux malfrats dérobent le véhicule et sont bien surpris d'entendre des cris...et découvrent un bébé pleurant sur le siège arrière.
Peu scrupuleux, les deux individus abandonnent l'enfant sur place et s'en vont.

Intervient alors le personnage de Charlot, qui à mon sens est à lui seul une véritable institution du 7ème art, et l'un des personnages comiques les plus ingénieux et inventifs de l'histoire de la pellicule avec le fameux Max Linder ou encore l'ahuri Monsieur Hulot et le couple Laurel & Hardy. Ce petit bonhomme fait sa promenade du matin avec son costume étriqué et râpé, ses pompes pointure 45 et sa canne pliable entend soudain des cris...et découvre avec stupéfaction ce bébé dans un recoin de cette rue assez sordide.

Premier moment d'humanité encore assez irréfléchi, Charlot prend l'enfant avec lui et se met naivement à la recherche de ses parents. De cette situation assez terrible nait le premier moment comique du film : apercevant une femme passant avec un landau, le candide Charlot lui tend l'enfant en lui disant "Vous avez perdu quelque chose !". Ce à quoi bien évidemment la femme répondra avec colère et refusera l'enfant.
Interloqué, Charlot repart avec l'enfant et se retrouve à son tour dans une bien délicat situation : que faire de ce bébé qui pleure ? Au hasard de sa marche, il trouve un landau et dépose l'enfant dedans avant de détaler, mais retombe par la suite sur la même bonne femme qui décidément ne veut pas de cet enfant ! La scène étant observée par un policier en patrouille, Charlot reprend l'enfant avec lui...et découvre la terrible lettre courte qui accompagne l'enfant.

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Désormais seul avec le bébé, Charlot se pose et pour la première fois porte une vraie attention à cet enfant dont il ignore tout...Trop fragile pour le laisser là, il se décide à l'emmener avec lui dans son modeste logis faute d'autre solution.

Arrivé en bas de son fort petit logement, Charlot tombe sur des femmes qui discutent et s'emerveillent devant ce bébé...Et demandent ingénument : "C'est à vous ?" Charlot répond oui à la va-vite, désireux de trouver une solution...Puis ne répond pas quand on lui demande le nom de l'enfant.
Mais peu après il revient et déclare que le bébé se nomme John. Nouveau moment poignant : désormais, l'enfant est adopté ! Là où d'autres l'avaient abandonné , ce modeste ouvrier vitrier, en dépit de ses conditions d'existence fort indigentes va désormais être le père d'adoption du bébé.
La vie s'organise et Charlot déploie des trésors d'ingéniosité pour subvenir aux besoin de cette nouvelle bouche à nourrir, une succession de scène franchement émouvantes comme celle où le bébé boit son biberon...qui n'est qu'une cafetière spécialement aménagée pour lui, tandis que son nouveau père lui découpe des langes. Et se laisse aller à de nouveaux gages d'affection réellement paternelle.
Les années passent, et cinq ans après, l'enfant a grandi et demeure toujours avec celui qui l'a recueilli. Et il partage sa vie et son ouvrage de vitrier.

Le film reprend dès lors une narration plus comique et conforme aux codes de la comédie dans le cinéma muet :une suite de situations amusantes parfaitement intégrées à l'histoire. Désormais, l'homme et l'enfant sont devenus complices : l'enfant casse les carreaux, ce qui donne tout naturellement la clientèle à son père ! Et tout marche plutot bien, jusqu'au moment où le poulet du quartier semble comprendre ce petit manège...Une fois confondus, le vitrier repousse l'enfant de façon très maladroite et doit s'enfuir avec son petit protégé.

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On poursuit l'aimable narration avec quelques tranches de vie : après un repasportant en lui le lien désormais fusionnel entre le Kid et Charlot, l'enfant croise une personne dont il ignore qu'elle est en fait sa mère, devenue actrice renommée mais hantée par l'abandon cruel qu'elle a du accomplir des années auparavant. Situation poignante et amusante en même temps, les deux protagonistes ignorant tout de leur lien...Puis l'enfant est pris dans une dispute entre gamins. Son père accourt mais s'aperçoit que le petit se défend plutot bien ! Quand soudain arrive le frère de l'enfant qui avait tenté de voler le jouet du Kid...et désormais, c'est Charlot lui-même qui est menacé et tente de calmer le jeu d'une façon absolument hilarante, sans succès ! S'ensuit une scène de poursuite qui s'achèvera d'une façon assez inattendue.

Mais une nouvelle alternance de narration se produit : l'enfant est trouvé mal en point, le modeste vitrier appelle donc un médecin. Monocle, haut de forme et air inquisiteur, le médecin ausculte l'enfant et émet des reserves sur ses conditions de vie...Ce à quoi Charlot répond en présentant le billet qui est finalement son seul vrai indice quant au passé de ce bébé qu'il adopta naguère.

Et arrive à mon avis la scène la plus poignante du film, une scène dont les images sont devenues emblématiques. Un directeur d'orphelinat intervient avec son chauffeur et entrent chez l'enfant et son père, et sans autre forme de procès, décident d'enlever le Kid à la garde de son Charlot de père adoptif. Incrédule mais alarmé par la résistance de l'enfant, le père se rue sur ce chauffeur qui veut lui retirer son petit. Maitrisé par le directeur de l'orphelinat, Charlot se relève grâce à l'intervention de l'enfant qui ainsi montre que son père et lui sont liés ! Mais le même flicard du quartier vient à la rescousse et le chauffeur emporte l'enfant.
Dans le genre "scène inoubliable", celle-ci figure en position de choix ! La tristesse et la détresse de l'enfant qui à nouveau perd son parent est vraiment perceptible, de même que celle de son père adoptif qui n'hésitera pas à poursuivre le véhicule en passant par les toits afin de le rattraper sur la route, malgré la présence du flicaillon qui le poursuit et au mépris du danger. Après s'être à nouveau battu avec le directeur de l'orphelinat, Charlot retrouve le Kid et le ramène avec lui.
Durant ce temps la femme devenue actrice passe dans le quartier rendre visite à l'enfant, mais ne voit personne...sauf l'acariâtre médecin qui montre le billet...face auquel l'actrice, comprenant tout, tombe évanouie. La scène est visible ici.



L'homme et l'enfant ne peuvent rentrer chez eux et se rendent dans une hôtellerie de fortune qui n'est qu'un simple dortoir, dirigé par un surveillant avare qui, reconnaissant l'enfant dont une photo avait paru dans un journal qu'il lisait, enlève le gosse. Au réveil, Charlot constate la disparition du petit, et ne peut plus payer sa chambre, il se retrouve à la rue et privé de la compagnie du petit garçon.
Après un moment de rêverie dans lequel Charlot est confronté au bien et au mal, il est réveillé par le même policier du quartier et se laisse amener, vaincu par sa douleur...Mais le voyage s'achève devant une maison cossue où il retrouve l'enfant, celle qui s'est enfin révélée sa mère, et sera accueilli comme un bienfaiteur et même félicité par ce flic qui aura attendu la fin du film pour montrer enfin un peu d'humanité (même si j'ai conscience que "flic" et "humanité" sont deux termes que seul le plus farfelu des oxymores peut faire cohabiter), avant de rentrer dans la maison...comme le père sauveur qu'il a été et qu'il est...et qu'il sera toujours.

Si Le Kid de Chaplin est à mon sens un film majeur du génial Charlie Chaplin, c'est grâce à l'incroyable et harmonieuse coexistence entre ses deux volets, exprimés dès le début de l'oeuvre : "Un film avec un rire - et peut-être, une larme". Chaplin, dont le talent comique s'était d'ores et déjà révélé, montre également ses facultés de tragédien, et mieux même, présente un film qui mélange habilement les deux ! Comment passer du rire au sentiment au travers d'un véritable conte et comprenant des scènes à l'humour attachant, puis d'autres vraiment déchirantes.

Le film sortit en 1921, une époque noire pour Chaplin qui avait perdu son jeune fils en 1920, et lui donna ainsi l'occasion de prendre sa revanche sur la fatalité en mettant en scène une paternité retrouvée après celle qu'il venait de perdre. De même, la modeste chambre de Charlot ainsi que le triste quartier où il vit sont très proches, de l'aveu même du réalisateur, de ce que fut son enfance en ce XIXème siècle finissant. Et comment ne pas tomber d'admiration devant le jeu vraiment époustouflant de Jack Coogan dans le rôle du gamin ? A peine âgé de 7 ans en 1921, Coogan -qui campera l'oncle Fester dans la série La Famille Addams- livre vraiment une interprétation hors du temps, sublimée par les musiques du film...

Car on ne le sait que trop peu, mais Chaplin composait lui-même les sons de ses oeuvres. Et les thèmes musicaux du Kid sont à l'image même du film : amusants, conviviaux dans la complicité entre l'homme et l'enfant, mais aussi très émouvants...Voir le gosse pleurer qu'on lui rende son père dans l'infâme carriole de l'orphelinat au son d'une musique puissante et mélancolique ne peut laisser indifférent, à moins d'être militant UMP ou FN.

Chef d'oeuvre de Chaplin, The Kid reste encore aujourd'hui un passage obligé pour tout amateur de films muets et du grand Charlie, qui par la suite s'illustra encore dans le domaine de la comédie (au hasard, La Ruée vers l'Or, Le Cirque), renouera avec l'émotion mélangée au comique avec Les Lumières de la Ville et sa fin vraiment touchante, la satire visionnaire avec Le Dicateur ou le cynisme le plus complet avec Monsieur Verdoux. Et ultime ironie du sort, Sir Charles Chaplin nous fit comme dernier gag de s'en aller vers la légende du 7ème art un jour de Noel 1977...

Le genre de film qui rendrait presque foi en l'humanité et met en tous cas en exergue la part de bonté qui sommeille en chaque être humain, ou plutot la force de certains qui arrivent à exprimer leur part de bonté, ainsi que ce rapport très particulier et finalement humainement louable qui fait que l'on peut s'attacher sans même rien savoir de l'objet de son attachement et de son dévouement...Si ce n'est cette mystérieuse attraction, cet indéfinissable magnétisme qu'exerce l'innocence sur des consciences déjà rôdée à la difficulté de la vie.

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Une intrigue semblable sera un des thèmes centraux de Tokyo Godfathers du regretté Kon Satoshi.

A la prochaine fois.
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Tandis que ces messieurs, nom de Dieu, s'arrondissent la panse, sang Dieu!
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Vince2
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J'ai l'impression d'être un béotien mais j'ai jamais accroché aux films de Chaplin, je regarde 10 minutes et ça me barbe... Quand j'étais gosse j'aimais Buster Keaton ou Laurel et hardy, mais aujourd'hui je serai incapable de citer un titre de leurs films.
ça fait une éternité que je n'en ai pas vu.
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Excellent hommage à ce très grand film.
Je ne connais pas bien son œuvre mais je peux dire que mon meilleur souvenir reste Les temps modernes pour son coté visionnaire et cette réflexion sur le travail à la chaine.
Quand j'étais plus petit je ne me rendais pas bien compte de la teneur de cette conception de l'activité humaine, maintenant c'est une chose qui me fait peur et qui me semble totalement contre nature.

Des films à voir et à revoir.
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yace
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Et puis c'est jamais facile d'écrire un nouveau FBI juste après un des tiens^^
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