[FANBOY INSIDE 76] Barry Lyndon

Tranches de passions surtout rétro et surtout gaming, mais pas que. Alias "FBI" - si les fédéraux débarquent, c'est Yace qui a fait le coup.
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yace
Ben... yace, quoi
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L'histoire est une discipline fascinante. Si si je vous assure. Riche d'enseignements et éclairante jusqu'à notre avenir, l'histoire est à mon humble sens la science humaine la plus fondamentale qui soit avec le langage.

Si j'ai résolu de démarrer cette nouvelle chronique par une affirmation certes catégorique mais pas pour autant irréfléchie, c'est pour amener le fait selon lequel l'histoire ne se transcrit guère uniquement en classe et dans les bouquins qui vous martèlent que 1515 était l'année de la bataille de Marignan. Demandez à n'importe qui la date de Marignan, on vous répondra fièrement : 1515 ! Demandez après, certes, mais encore, qu'était réellement la bataille de Marignan ? Et là vous verrez à quel point l'histoire n'est pour une majorité qu'un simple et impersonnel étalage de dates...
Et si l'histoire passait également par le cinéma ?

Oui monsieur, le cinéma...car certains films nous livret une version de l'histoire. Je ne parle pas ici des documentaires dont c'est la fonction première, mais bien de films historiques. Et dans le cas qui nous intéresse aujourd'hui, il convient d'avancer comme postulat indéniable qu'il y a des films historiques...historiques.

Bienvenue dans ce Fanboy Inside dédié à Barry Lyndon de Stanley Kubrick.

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Le héros de cette fresque tragique est un jeune homme idéaliste natif d'Irlande, Redmond Barry, interprété par Ryan O'Neal. Orphelin de père suite à un duel pour un motif demeuré inconnu, Redmond est un brave et honnête garçon qui s'emploie de son mieux à compenser l'absence d'un père à la maison en se montrant fils loyal et attentionné dans son petit village.
Le premier amour...Redmond tombe en effet devant les charmes de sa cousine, Nora Brady, jeune fille délurée et de conduite parfois discutable, qui se montre d'ailleurs assez entreprenante avec lui. Le jeune homme sentimental devient aveuglé par sa passion et ne s'aperçoit que sur le tard de l'attitude dissolue de son premier amour qu'au moment où il comprend que celle-ci est en fait promise à un officier de l'armée, le capitaine Quinn. Situation amoureuse délicate en ce milieu puritain, ce dont Redmond n'a cure au point d'humilier l'officier en public et en dépit de sa modeste condition. Comme son père lors de la première scène du film, Redmond est désormais impliqué dans un duel contre le capitaine Quinn, duel qu'il finit par remporter.
Retourné victorieux à sa mère, le témoin de Barry lui enjoint de quitter le village au plus vite, malgré la protection d'un ami également officier, le capitaine Grogan. Le jeune Redmond est en effet menacé : n'a-t-il point abattu un officier noble de l'armée de sa majesté ? Et voilà comment, suite à un duel à l'issue heureuse pour lui, le jeune homme est contraint de partir sans préparation aucune à la rencontre d'un destin dont il n'a heureusement ou hélas guère d'idée.

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Muni d'un cheval et de vingt guinées en or, voilà notre jeune et brave héros arpentant les routes de l'Irlande mal famée du XVIIème siècle...quand il fait la rencontre d'un distingué coupeur de bourse qui, en dépit de son langage soutenu et amical, n'en dépouille pas moins l'infortuné et naif jeune homme de sa monture et des derniers moyens qu'il lui restaient. Première expérience malheureuse qui ravale Barry au rang de laissé pour compte sans le sou et sans perspective d'avenir. La misère s'annonce pour cet aventurier, jusqu'au moment où il entrevoit dans un village proche un défilé militaire, et décide à la fois faute de mieux et par admiration devant l'uniforme, de rejoindre les rangs de cette armée, armée dans laquelle il retrouve le capitaine Grogan, son ami. Le soir au bivouac, il apprend que le duel qui le força à s'enfuir était une machination vouée à la perdre, son arme ayant été trafiquée. Mais la chance qui lui fit abattre son adversaire n'avait guère étté prévue et le capitaine Quinn n'avait que perdu connaissance sous un impact de poudre...Désormais, Nora Brady et lui sont mari et femme, et Redmond connut ses premières tribulations suite à cet immonde plan déstiné tout d'abord à l'occire, puis à se débarrasser de lui....

L'histoire était troublée en ces temps-là et voilà Redmond et Grogan emportés par les remous des guerres en Europe et notamment de la guerre de Sept Ans (1756-1763). Grogan tombe lors d'un assaut contre les troupes du roi Louis XV de France et Redmond, brisé par la mort de celui qui était son seul protecteur, se résout à deserter cette armée dont l'apparente magnificence ne servait qu'à mieux cacher les mortifères entreprises des guerres qui dépassent totalement l'intérêt et la compréhension des soldats, dont l'immense majorité n'est là que pour la solde et le couvert faute d'une autre alternative. Il usurpe l'identité d'un officier et quitte son régiment sans autre idée que celle de s'éloigner le plus rapidement du théâtre des opérations qui tuèrent Grogan.

En chemin il fait une nouvelle rencontre qui devait décider de son sort. Il croise un groupe de soldats prussiens et leur chef, le capitaine Potzdorf. Celui-ci se présente fort civilement et invite Barry, qui se prétend donc lieutenant de l'armée britannique, à se joindre à lui pour le diner et lui propose de l'assistance dans son périple simulé vers Dublin. Confondu par ses mensonges, Barry est placé devant un choix cruel : soit il rejoint l'armée de Prusse, soit il sera exécuté comme déserteur. Sous l'uniforme de l'armée de Frédéric II, Barry servira deux années durant et lors d'une bataille, sauvera la vie du capitaine Potzdorf à qui il doit pourtant sa situation actuelle de soldat dans une armée réputée pour sa sévérité et la cruauté des châtiments qu'elle impose.
Ce geste désintéressé donne à Barry la confiance du capitaine qui se prend d'affection pour lui et lui fait quitter le régiment pour l'introduire dans les hautes sphères de la politique prussienne. L'oncle du capitaine, minsitre de la Police, propose à Barry une mission dont dépendra sa fortune. Le jeune homme devra rentrer au service d'un noble autrichien, le Chevalier de Balibari, dont les origines seraient en fait irlandaises comme celles de Redmond. Suspecté d'espionnage, le Chevalier devra être l'objet de la surveillance de Barry qui fera un rapport détaillé au capitaine et au ministre. Barry accepte.

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Introduit sous une fausse identité au service du Chevalier, Barry s'effondre et devant un de ses compatriote, le jeune homme expatrié et au service d'une armée qui n'est pas la sienne se confesse et devient un agent double. Le Chevalier (incarné par Patrick McGee, qui était déjà l'écrivain Franck Alexander dans Orange Mécanique) attendri par ce jeune homme et compatriote, le prend sous sa protection et ensemble, ils finissent par fuir la Prusse et entment une tournée des tables de jeu européennes parmi la haute noblesse. L'association entre Barry et le Chevalier semble être prospère, le Chevalier étant un joueur professionnel et Barry une fine lame qui intervient pour contraindre les débiteurs récalcitrants. Leur train de vie est honorable mais précaire. Au cours de l'un de ses errements en cour, Barry rencontre une femme qui devait jouer un rôle majeur dans ce qui allait être son ascension puis sa chute : Lady Lyndon, campée par la sublime Marisa Berenson qui livre ici sa plus superbe composition.

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Barry noue rapidement une liaison avec cette femme silencieuse et d'une fascinante beauté. Mais Lady Lyndon est encore mariée à un homme d'un autre âge, sir Charles Lyndon, membre du Parlement anglais, homme de confiance du roi d'Angleterre et atteint de la goutte, ce qui ne l'empêche pas de s'apercevoir du manège du jeune Irlandais. Charles Lyndon rend l'âme et Barry a désormais toute latitude à agir.

Le 15 juin 1773, un an après le décès de sir Charles, Barry et Lady Lyndon s'unissent dans le mariage, une union célébrée en présence du Chevalier dont ce sera là la dernière apparition. Immédiatement après son mariage, Lady Lyndon comprend que son nouveau mari ne l'aime pas, quand se plaignant de la fumée de la pipe que fume Barry, celui-ci lui envoie une volute au visage. Redmond Barry -qui a obtenu d'accoler le nom de sa femme au sien et ainsi devenu Lord Barry Lyndon- est ravi de sa nouvelle fortune. Il joue, dépense et fornique à loisir et sans vergogne vis-à vis de sa femme ni de son beau-fils, Lord Bullingdon, fils de sir Charles qui malgré son jeune âge (l'enfant a alors dix ans) est parfaitement conscient que son beau-père n'est qu'un opportuniste. Il en exprime d'ailleurs sa souffrance pour sa mère qu'il idolâtre.

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Lord Bullingdon devient mélancolique et rappelle incessamment le souvenir de son défunt père, ce qui amène Barry à le corriger à coups de badine à de nombreuses reprises, exacerbant la haine que lui vous le jeune Lord. Un an après son mariage, Lady Lyndon met au monde un fils, Bryan Patrick, qui fait l'adoration de son père. La cohabitation entre Bryan et son demi-frère Bullingdon est houleuse. Suite à une dispute, Bullingdon lève la main sur Bryan et se fait surprendre par Barry.
L'adolescent écope à nouveau d'une correction de son beau-père, suite à laquelle il lui déclare ne plus jamais souffrir tel traitement, faute de quoi il n'hésitera pas à l'occire. La haine du jeune homme devient irréversible et portera les germes de la fin de "Lord Barry Lyndon". Entre-temps, la mère de Barry est arrivée d'Irlande et prend part active aux affaires familiales, ce qui exaspère encore plus le jeune Lord Buliingdon.

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Peu après, Bullingdon se sert de son demi-frère afin de perturber un récital de musique auquel participe sa mère. Il déclare publiquement l'horreur que lui fait son beau-père et annonce sa volonté de quitter le pays tant il ne peut plus soffir la société de ce parvenu Irlandais que sa mère a eu faiblesse d'admettre en sa couche. Barry entre alors en fureur et se rue sur Bullingdon. Il doit être maitrisé.
Cette crise de rage le déconsidère totalement aux yeux de la noblesse en laquelle il cherchait à s'insérer afin d'obtenir un titre nobiliaire qui rendrait sa situation indefectible. Les "amis" d'hier le fuient et le méprisent, le tenant désormais pour une brute sans manières. Barry, isolé, trouve cependant refuge dans l'affection qu'il porte à son fils. Et se montre si bon père que seuls certains de son cercles d'intimes lui conservent une estime de surface.

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Scène coupée. Lors du montage, Kubrick décidé que montrer l'amour charnel entre Barry et Lady Lyndon nuirait à l'intrigue psychologique.

Bryan vire à l'enfant gâté. Pour ses huit ans, il réclame à son père un cheval. La faiblesse de Barry le pousse à accepter, sous reserve que le jeune Bryan ne le monte qu'en présence de son père. Le matin des huit ans du petit Bryan, le révérend et précepteur de l'enfant annonce à Barry que son fils s'est levé aux aurores. Il a décidé de désobeir et a monté le cheval sans surveillance. Barry retrouve son fils à terre, meurtri.
Deux jours durant, l'enfant agonisera entre ses parents qui n'arriveront pas à lui dissimuler l'extrême gravité de son état. Barry, qui avait déjà perdu toute chance d'ascension sociale, perd désormais le seul être qu'il aimait sincèrement. Brisé, il échoue dans l'alcoolisme tandis que Lady Lyndon s'enferme dans une dévotion inconsidérée et tente de se donner la mort.

Informé de ces évènements tragiques par le révérend congédié par l'autoritaire mère de Barry, Lord Bullingdon se décide à reprendre les choses en main et s'en va provoquer Barry en duel. Lors de la confrontation, l'arme de Bullingdon s'emballe, et Barry, à son tir, tire au sol. Ne s'estimant pas satisfait, Bullingdon donne une seconde charge qui blesse Barry à la jambe. Examiné par un médecin, Barry doit être amputé pour éviter la gangrène, cependant que son beau-fils reprend le contrôle du patrimoine familial et lui adresse une proposition : soit il accepte de quitter le pays définitivement et recevra une rente annuelle de cinq cents guinées, soit il sera jeté en prison pour dettes. Barry accepte et quitte l'Angleterre, brisé psychologiquement, meurtri dans sa chair et son sang, et amputé d'une jambe. Il s'en va vers un avenir incertain en compagnie de son seul secours, sa propre mère, reprendre son activité de joeur, mais sans succès. Personne ne saura ce qu'il est advenu de lui.

Le film s'achève par la signature de l'accord pour la rente de Barry par son ex-épouse, sous les yeux à la fois impératifs et hésitants de Lord Bullingdon qui s'affirme comme le seul à devoir décider de ce qui reste de la fortune des Lyndon.

L'ultime carton du film nous aide à réfléchir et à conclure cette tragique histoire : "Ce fut sous le règne de Georges III que ces personnages vécurent et s'affrontèrent. Bons ou mauvais, beaux ou laids, riches ou pauvres...Ils sont tous égaux à présent".


Après cette présentation globale de l'intrigue, il vient le temps de s'interroger sur le principal protagoniste de ce drame : Redmond Barry, puis ainsi nommé Barry Lyndon.

REDMOND BARRY : victime ou bourreau ?

Trois phases de la vie de Barry émergent de cette chronique : sa jeunesse, son zénith et sa chute.

De jeune homme tout à fait estimable, il passe à opportuniste exécrable pour achever sa biographie par sa perte. comment a-t-il pu ainsi évoluer dans ce XVII ème siècle hypocrite ?

De la sensibilité d'un jeune homme en butte à ses amours initiales émane donc sa malédiction. Tombé amoureux d'une jeune fille délurée qui lui promet ses charmes mais guère son amour, Barry se laisse déborder par une situation qui le meurtrit et l'entraine vers un tourbillon de mésaventures qui éveillent en lui le gout du luxe et d'un statut social élevé. Après ses déceptions amoureuses et ses désillusions de soldat atteint en son bonheur, Barry découvre malgré lui le cynisme qui l'amène à renoncer à toute valeur morale par ses passages au sein d'une armée puis d'une autre. Paradoxalement c'est une réaction de sensibilité qui l'amène à abandonner une fortune pourtant assurée au coeur de l'état prussien afin sans le savoir de se vendre définitivement à une destinée malheureuse par son mariage avec une dame de haut rang, mariage censé lui accorder la grâce mais qui ne fera qu'entrainer son déclin.

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Barry semble avoir renoncé à cet amour qui pourtant était son principal moteur du temps de sa jeunesse en Irlande. Comme si les épreuves de la vie ne lui avaient qu'enseigné l'importance de l'ascension sociale au détriment de son humanité, allant jusqu'à briser l'amour que semblait lui porter Lady Lyndon...Ladite Lady Lyndon qui n'aura été que son passeport pour le vice et la dépravation à un moment où sa vie apparaissait sur de bons rails vers la voie de la fortune et de l'amour.

La malédiction de Barry porte désormais un nom : Lord Bullingdon. Comme pour compenser l'animosité de ce beau-fils pourtant guère entreprenant, Barry devient père d'un enfant qu'il aime, retrouvant là sa capacité à aimer. Las, cet amour lui est retiré par une chute de cheval et Barry retombe dès lors dans un cynisme auto-destructeur auquel Lord Bullingdon apportera une touche finale.
A ce propos, la personnalité du malheureux Bryan Patrick Lyndon évolue aussi : d'enfant chéri il devient enfant conciliateur au cours d'une scene mythique du film, celle où, conscient de sa fin prochaine et sur son lit de mort, il tente de réunir ses parents dont, en dépit des apparences, il s'est rendu compte qu'ils ne s'aimaient plus...et leur demande de lui promettre de s'aimer à nouveau afin qu'ils se retrouvent au Paradis...Car selon Bullingdon, les êtres querelleurs ne vont pas au Paradis.

Dès lors, Barry est achevé. Victime du sort qui le réduit à l'état d'homme anéanti, il refuse d'abattre son beau-fils lors d'un duel et se trouve bien injustement récompensé de cet acte de magnanimité, y laissant une partie de lui physiquement comme il avait laissé son amour à la mort de son fils. L'ultime image de Barry nous le présente tel un être diminué dont l'avenir est devenu la tortionnaire.

L'ultime image de Lady Lyndon nous montre une femme finalement atteinte de devoir ainsi verser goutte à goutte l'existence de cet homme qui traversa sa vie et y laissa quoiqu'on en dise une empreinte indélébile.

L'ultime image de Lord Bullingdon nous montre un jeune homme conscient de son pouvoir mais peut-être atteint d'un remords vis-à- vis non pas d'un Barry dont il s'est acharné à entrainer la chute, mais vis à vis d'une mère traumatisée à vie par la perte de mari et fils.

Kubrick déclarait que selon lui, la meilleure intrigue était non pas celle que l'on voit, mais celle que l'on devine. En ce sens, tout le film repose peut-être plus sur les motivations profondes de chaque personnage que sur la chronologie historique des évènements qui firent de Redmond Barry Barry Lyndon et qui finirent par le détruire.

LA MUSIQUE DANS BARRY LYNDON

Comme dans les précédents films de Kubrick qu'étaient 2001 l'Odyssée de l'espace et Orange mécanique, la musique tient une rôle important dans la narration et l'environnement de Barry Lyndon. On y retrouve des oeuvres de grands maitres de la musique classique des XVIIème et XVIIIème siècles, ainsi que certains airs traditionnels de l'Irlande comme le mélancolique Woman of Ireland des Cheftains.
Le film s'ouvre et s'achève avec le morceau Sarabande de Haendel (1732-1809), un air majestueux et grave à la fois qui illustre à merveille la noblesse des milieux où gravitera Barry ainsi que la gravité de sa chute, et parfaitement associé à l'affiche du film qui nous montre un homme sans visage tenant fermement un pistolet de duel et écrasant sous son pied une rose rouge figurant l'amour et également la violence. Impossible de décrypter la moindre émotion de ce personnage, ce qui illustre bien le fait que nous seuls devons nous faire une opinion quant à l'homme jouet de la destinée cruelle de Barry Lyndon.

Une exception réside dans l'utilisation d'un air de Franz Schubert (1797-1828) qui inaugure le premier rapprochement amoureux entre Barry et Lady Lyndon, un air délicat et malheureux, air qui clôture également le film à un moment où il est désormais acquis que l'entreprise sociale et sentimentale de Redmond Barry se solde par un échec cruel.

Vivaldi (1678-1741), Mozart (1756-1791) ainsi que Pergolèse (1710-1736) viennent compléter ce tableau musical qui nous berce dans une atmosphère de noblesse comme pour mieux masquer les désirs hypocrites des protagonistes. Les scènes du film sont également fort liées aux musiques, comme l'emploi de la Hohenfriedenberger Marsch composée par Frédéric II de Prusse lui-même, qui apparait pour la première fois lorsque que Barry entre en territoire prussien et sévit en haute sphères prussiennes. Accessoirement, ce thème m'aura également appris que Frédéric II (1712-1786), empereur de 1740 (mort de Charles VI) et célèbre comme "despote éclairé" et par son amitié puis sa brouille avec Voltaire avait également composé...

REPERES CHRONOLOGIQUES dans BARRY LYNDON

Comme dans 2001 qui ne comportait guère d'autre repère temporel que son titre et Orange Mécanique qui ne comportait comme élément chronologique que les deux ans qu'Alex passe sous les verrous, Barry Lyndon ne comprend que très peu déléments permettant de dater le déroulement de l'intrigue. Cependant, quelques recherches dans le film nous mettent en mesure de donner des repères.

Barry se retrouve emporté dans la tourmente de la guerre de Sept Ans qui se déroula entre 1756 et 1763. Il passe deux ans au service de la Prusse. On sait après qu'il épousa Lady Lyndon le 15 juin 1773, un an après la mort de sir Charles Lyndon survenue donc en 1772. On connait l'âge de Lord Bullingdon qui est de dix ans en 1773 au mariage de sa mère avec Barry, tout comme il est révélé que Bryan Patrick vint au monde un an après en 1774. Il meurt lors de ses huit ans en 1782 et l'histoire s'achève par la signature de la rente annuelle versée à Barry en 1789. Le film s'étale donc d'entre 1756 et 1763 jusqu'en 1789.

Le film est adpaté du roman Les Mémoires de Barry Lyndon écrit en 1844 par l'écrivain anglais William Makepeace Thackeray (1811-1863), contemporain et rival de Charles Dickens, et s'inspirant de la vie d'un aventurier anglo-irlandais nommé Andrew Robinson Stoney, né en 1747 et décédé en 1810.

AUTOUR DE BARRY LYNDON

Film réputé pour sa beauté visuelle et l'inventivité des techniques de caméra utilisées par Stanley Kubrick, Barry Lyndon est à ce jour considéré comme une oeuvre majeure, ce qui n'était guère le cas lors de sa sortie. En effet, le film fut un échec commercial douloureux pour un Kubrick, déçu que la portée artistique et psychologique de son oeuvre ne soit guère reconnue à la sortie du film en 1975. Sorti en France en 1976 après le coup de tonnerre d'Orange Mécanique et la levée de la censure qui frappait Les Sentiers de la Gloire en 1975, Barry Lyndon rencontra cependant un certain succès en France et en Europe.
Les scènes les plus connues sont sans aucun doute les intérieurs filmés à la lumière des chandelles, pour lesquelles Kubrick résolut d'adapter des objectifs de caméra de la NASA à ses caméras Arriflex Steadycam des années 50 et dont la qualité était étonnamment avant-gardiste.

Dans les années 80, Laurent Boutonnat s'inspira fortement de Barry Lyndon pour les tournages des clips de "Pourvu qu'elles soient douces "et "Libertine" de Mylène Farmer, dont on peut à cette occasion découvrir les défaut d'épilation du pubis et le cruel manque d'opulence dans la poitrine. Si cette référence fait honneur à Boutonnat, je doute fort qu'elle fasse par contre honneur à Kubrick.


Film épique, magistral, superbe et émouvant, Barry Lyndon est l'archétype même du chef d'oeuvre incompris et méconnu, dont l'échec poussera Kubrick à se tourner vers un projet plus commercial mais non moins excellent, l'adaptation en 1980 du roman Shining de Stephen King avec un Jack Nicholson au sommet de son art dans le rôle de Jack Torrance.
Aujourd'hui reconu comme le sommet du 7ème art qu'il est, Barry Lyndon a été le sujet de nombreux ouvrages et même de thèses universitaires quant à son impact sur l'évolution des techniques d'image au cinéma et quant à la portée historique de son détail.

Chaque image fixe ou plan serré évoque des toiles de maitres de l'époque tels Watteau (1684-1721), Fragonard (1732-1806), Gainsborough (1727-1788), Drouais (1727-1775), Quentin de la Tour (1704-1788). On assiste vraiment à un défilé de beauté, un festival néo-classique digne d'une galerie d'art. Le tout non pas sous le pinceau, mais sous la caméra.

Pour moi, il reste l'un des trois meilleurs films du réalisateur aux cotés de 2001 et d'Orange Mécanique.
La continuité entre les films de Kubrick inscrit parfaitement Barry Lyndon dans le catalogue de Kubrick : il s'ouvre àprès la dernière scène d'Orange Mécanique montrant un Alex guéri et forniquant au milieu d'un auditoire et de spectateurs en costumes, et se referme sur la signature d'un versement de rente ...annonçant l'ouverture de Shining par la signature du contrat de gardiennage de l'hôtel Overlook par un Jack Torrance inconscient de ce qui devait arriver par la suite.

Un monument du cinéma et un film absolument indispensable qui figure au rang des oeuvres les plus grandioses jamais filmés. Avec Barry Lyndon, le génie visionnaire et pictural de Kubrick, déjà initié en 1955 avec Le Baiser du Tueur, et perennisé par 2001 trouve son apothéose et s'achèvera par l'image intimiste d'Eyes Wide Shut en 1999.

PETITE CRITIQUE DU BLU-RAY "BARRY LYNDON"
Autant dire sans prendre de gants que j'attendais avec impatience et appréhension la sortie en Blu-Ray de ce Barry Lyndon. Un film aussi superbe se devait d'avoir son Blu-Ray, et le Blu-Ray ne pouvait être que soit magistral, soit indigent. Et force est de reconnaitre que l'image est fort bien retranscrite, malheureusement le son est assez bas, comme si les éditeurs du Blu-Ray avaient résolu de privilégier l'aspect visuel à l'aspect musical pourtant tout aussi essentiel au film. Mais ce Blu-Ray demeure tout de même une acquisition incontournable pour les amateurs du film. Le support aura passé avec succès l'épreuve des arrêts sur images.

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Barry Lyndon. (1975)
Stanley Kubrick (1928-1999).

A bientôt pour un nouveau moment de rédaction et je l'espère de lecture.
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On nous promet les cieux, nom de Dieu, pour toute récompense
Tandis que ces messieurs, nom de Dieu, s'arrondissent la panse, sang Dieu!
Nous crevons d'abstinence, nom de Dieu, nous crevons d'abstinence!
shibuyalover
Fine Gâchette
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Inscription : 13 févr. 2011, 20:34
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Très bon FBI sur un de mes films préférés,lecture très intéressante,à la filmothèque du quartier latin à Paris,on a eu la chance d'avoir une rétrospective Kubrick de tous les meilleurs films de ce cinéaste de génie,j'ai pas hésiter à voir et revoir ce chef-d'oeuvre que ce soit dans la mise en scène,l'esthétique des décors,des costumes,l'histoire passionnante et rythmée de cet arriviste,les 3 heures passent vite;).
Quelqu'un s'est procuré le livre sur sa filmographie aux éditions Taschen?Très bon livre à conseiller à tous ceux qui aiment et apprécie le travail de cet homme d'image si respectable par son talent et sa rigueur.
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