[FANBOY INSIDE 84] Le malheur dans le jeu vidéo

Tranches de passions surtout rétro et surtout gaming, mais pas que. Alias "FBI" - si les fédéraux débarquent, c'est Yace qui a fait le coup.
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yace
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Et oui messieurs, comme je broie du noir en permanence, j'ai trouvé fort à propos de commettre une nouvelle gamberge sur ce sujet qui me tient : le retrogaming. Et si on se branlait un peu les méninges...pour trouver du bonheur dans le malheur ?)

Après cette intro en italique :

BIENVENUE DANS CE FANBOY INSIDE dédié au malheur dans le jeu vidéo !

Le jeu vidéo : une création par le malheur ?

L'une des missions du jeu vidéo n'est-elle pas de procurer à l'agent qui s'y adonne une sensation d'extraordinaire ? Au delà de l'aspect purement ludique et de son amusement subséquent, l'activité vidéoludique procède en majeure partie d'une volonté altruiste, hélas releguée au rang de prétexte dans une majeure partie de ces titres qui ont pourtant participé à la définition même de ce media.

Si dans les premiers temps, les motivations in game n'ont guère brillé par leur importance au profit du plaisir individuel voire narcissique ressenti par le joueur en quête de performance ou de plaisir tout simplement, celles-ci ne tarderont point à émerger comme prélude au plaisir voire comme accroche, d'où une surenchère d'évènements malheureux censés justifier l'immersion du joueur et favoriser son identification au personnage qu'il incarne de l'autre côté de l'écran.

Prenons quelques exemples afin d'illustrer cette gradation dans l'horreur. Si les plus anciens d'entre nous n'avaient besoin que de deux raquettes au mouvement vertical et d'une balle les joignant, la gravité des histoires relatives aux jeux vidéo atteindront assez rapidement un niveau supérieur. Space Invaders arrivant en 1978, la détresse fait son apparition mais demeure encore toute relative : il suffit alors de "simplement" repousser ces envahisseurs afin de préserver l'humanité d'une période de chaos. Mais toujours est-il qu'à part le pilote de l'engin salvateur, nul ne souffre de la présence de ces formes de vies au design original voire comique. Le malheur de l'humanité n'est point encore survenu, ce qui fait de Space Invaders un jeu "préventif". On peut donc s'y consacrer corps et âme sans trop de tristesse, mais la première sensation d'excitation s'échappe de la conscience du jeu vidéo : la Terre n'est pas encore en danger, mais le sera si le joueur ne s'avère pas assez talentueux...A celui-ci donc de prouver sa grandeur.

Tout va donc bien, mais l'immersion dramatique est donc bien faible...Et à ce moment s'opérera donc une évolution dans le malheur, un malheur finalement à dimension fédératrice : pourquoi s'inquiéter de la survenance éventuelle d'évènement au potentiel dommageable élevé, quand on peut tout aussi bien mettre le héros face au fait accompli ? Et voilà comment le jeu vidéo passe de "préventif" à "curatif" ! Mieux vaut prévenir que guérir, martèle la sagesse populaire. Et bien, ce dicton est absolument faux du point de vue de l'industrie ludique en quête de public. Mieux vaut directement offrir un environnement saccagé ou un héros au coeur brisé afin de donner immédiatement à la praxis ludique un caractère dramatique jouant habilement avec les sentiments de celui qui s'y frotte.

Et nous entrons dans l'ère des personnages torturés voire anéantis auxquel le joueur devra rendre le sourire et le bonheur au terme d'une odyssée en pixels. Et si l'exemple précité de Space Invaders semble réserver le côté tragique de ces scenarii au genre qu'il a crée, le shoot them up, tous les genres qui composeront l'univers du jeu vidéo finiront touchés. Le malheur, la tristesse et la destruction ne resteront pas longtemps à l'écart....
Deux types de jeux apparaitront : le premier ne fait que suggérer l'évènement, le second le montre explicitement.

La surcharge émotionnelle dépend évidemment de l'état d'esprit dans lequel le titre en souffrance saura conditionner le joueur. Afin de tenter d'illustrer mon propos, tâchons de prendre quelques exemples.

Super Mario Bros, resté dans les mémoires comme la naissance effective du jeu de plate-forme. Qui se soucie de cette malheureuse Princesse toujours perdue dans un autre château ? Qui a fait passer son inquiétude quant à l'état de l'infortunée captive avant l'incroyable délectation ludique composée de sauts calculés et de séquence de natation en milieu hostile ? En eut-il été autant si le joueur impatient avait assisté de ses propres regards au rapt puis à la séquestration de la Princesse ? Super Mario Bros se détache en ce sens de son aîné, le classique Donkey Kong où, avant chaque partie, le joueur effaré était témoin du sort malheureux de Pauline, et ultime raffinement de cruauté du jeu, ne finissait un niveau que pour assister à nouveau à l'enlèvement de la malheureuse ?

Autre style fortement empreint de cette connotation mélodramatique, le beat'em all. Si les premiers essais en la matière n'avaient guère la prétention de mettre le joueur en situation d'intense désarroi sentimental tel Kung-Fu Master, on change drastiquement d'optique avec Double Dragon où avant même de fouler les trottoirs mal fréquentés de la première mission, on voit avec terreur la fiancée du héros neutralisée d'un coup au bas-ventre et embarquée sans ménagement ! Révoltant, non ? Voir ainsi se dérouler une séquence violente et ce en toute impuissance ! Ce qui procède d'une terrible logique : si le héros avait été présent, nul doute que la victime eût été sauvée, mais dans ce cas c'est le jeu en lui-même qui se serait trouvé dépourvu de toute substance !
Cette nouvelle gradation dans la violence -et ô sacrilège, faite à une femme à une époque où Chun-Li n'avait pas encore démontré la force de la gent féminine au combat- sera cependant relativement tempérée dans un nouveau titre légendaire du genre, Final Fight où le rapt de la fille d'un des héros est certes clairement évoqué sans pour autant être montré.

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Ta fille est entre nos mains, Mike...

Final Fight est dès lors une image évidente d'un nouveau désarroi qui justifie clairement que s'engagent dans la lutte le père, mais aussi le petit copain de la demoiselle honteusement raptée, ainsi que l'ami dudit petit copain qui n'est là que pour illustrer le courage et la solidarité qui doivent animer toute amitié virile face à ce monde de brutes concentré dans Metro City !

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Fils de *** ! Tu vas voir, attends un peu que je t'éclate avec violence et préméditation en représaille !

Et cette logique se poursuivra jusqu'au bout avec une émouvante séquence finale où le père retrouvera sa fille, et où la fille retrouvera son amoureux qui était stoiquement parti pour laisser les retrouvailles familiales atteindre leur maximum d'intensité...Et bien évidemment, l'ami du copain fera son possible afin de réussir sa sortie en permettant à sa façon le rapprochement final entre les deux tourtereaux, rapprochement qui se concrétisera par un baiser reconnaissant mais tout aussi suggéré que l'était l'enlèvement au début du jeu. Après tout, Final Fight flatte aussi la virilité !

Mais dépassons ces histoires familiales ou d'amour bafoué pour entrer dans une nouvèle ère, celle de l'Apocalypse ! A présent, c'est le monde entier qui souffre et qui ne peut que prier qu'un héros méritant vienne à son secours. Le malheur atteint désormais des proportions si inimaginables que l'émotion semble pénétrer encore plus profondément la motivation du joueur. Et ainsi s'invitera la si crainte fin du monde dans le jeu vidéo !
Un tel évènement se doit également d'être mis en scène de façon grandiloquente afin dès le début de happer le sujet de l'expérience. Deux exemples que l'on doit au même éditeur se trouveront sur Super Nintendo : Axelay et Contra III The Alien Wars (aka Super Probotector Alien Rebels) en Europe.
Désormais la catastrophe et la destruction sont maximales et non ellipsées, mais bel et bien livrées de façon explicite à nos mirettes terrifiées. Axelay est parfaitement parlant, nous voyons de gigantesques vaisseaux inconnus investir le ciel d'une grande ville, puis la population hébétée avant d'enchainer sur la déferlante chaotique changeant la planète bleue, source de vie, en un véritable corps céleste de désolation...Le tout au rythme de l'ouverture d'un pendentif représentant le héros, une femme jeune encore ainsi que deux jeunes enfants...Comme le discret portrait devant lequel s'effondrera le capitaine Nemo après l'ultime hécatombe achevant Vingt Mille Lieues sous les mers.

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Peut-on opérer destruction plus radicale...


Et à la façon d'un Final Fight, la fin du jeu se tient parfaitement avec le pendentif qui se referme sur le douloureux souvenir d'un héros qui à présent, doit livrer sa plus cruelle bataille : la sienne propre face à son deuil.

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Deuil cruel et amer...


Contra III The Alien Wars nous livre également brut de décoffrage la destruction radicale d'une grande ville, une destruction venue du ciel comme dans Axelay immédiatement suivie du rire sardonique d'une créature hideuse venue d'ailleurs...

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Les Envahisseurs ne lésinent pas !

Et pour définitivement percevoir que la diplomatie ne sera pas de mise, deux gros plans sur les visages vengeurs de Bill et Lance accompagnés de phrases guerrières vous accueilleront. Bienvenue dans un monde dévasté. Monde dévasté qui finira par se reconstruire si vous êtes assez talentueux. Finalement, en détruisant l'invasion extra-terrestre, vous serez le bâtisseur d'une nouvelle ère.

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Et il nous nargue, l'enculé !

Et pour achever ce modeste tout d'horizon, même les jeux de combat ont leur dose d'émotion liée au malheur survenant. Le genre est même particulièrement propice à l'identification aux personnages qui ont chacun leur histoire et leur fin ! Le jeu de combat en un contre un illustre par ailleurs à merveille une certaine forme de mépris entre les héros qui, au lieu de s'unir tous ensemble face aux grand méchant adversaire ultime, ne trouvent rien de mieux que de se dérouiller entre eux pour avoir l'insigne et individuel honneur d'affronter un ennemi en général surpuissant...L'union fait la force est également un dicton qui n'a guère droit de cité au royaume du jeu de combat ! Et aussi surprenant que cela puisse paraitre, certains titres comme The King of Fighters 96 et sa suite directe The King of Fighters 97 s'offrent le luxe de désorienter le joueur victorieux à force de messages étranges selon lesquels tout d'abord une catastrophe encore plus grave attend le genre humain, puis que la menace n'est pas étrangère à l'homme, mais que ladite menace...c'est bel et bien l'homme lui-même !

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KOF 96...Une bien sinistre prophétie.

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Incitation à la misanthropie...ou message eminemment philosophique en fin de KOF 97 ?

Des messages de fin empreints de malaise là où la fonction d'une fin est de féliciter le joueur et de lui rendre la sérénité, surtout dans ces jeux où dès le départ l'affect et si grandement chamboulé.

En conclusion, qu'il soit suggéré ou livré explicitement, le malheur semble être un des moteurs fondamentaux du jeu vidéo, constat ô combien étonnant pour une activité censée donner tant de bonheur...et qui de ce côté-là remplit parfaitement sa mission. Mais justement, et si le talent et la force du joueur n'étaient finalement qu'une fonction de l'émotion ainsi provoquée, ou qu'une simple variante de cette émotion ?

(et après ma relecture, je trouve tout ceci fort médiocre. A vous d'en juger...)
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rag
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Dans le genre "il se passe un truc vraiment malheureux et le héros prend les choses en main", c'est les intros de Streets of Rage et The Punisher qui me viennent tout de suite en tête.

Mais personnellement, les situations dramatiques je trouve ça prenant durant les intros ou les cut-scenes, mais je les oublie quand je suis dans le jeu.
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Alec
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yace a écrit : Image
Deuil cruel et amer...

En même temps il a un chasseur de combat hyper classe pour les venger, ça compense......

:D

Je te rejoint facilement là dessus et AXELAY est un bon exemple, je citerai IKARUGA aussi et une fin en "suicide bullet" !
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yace
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Très juste Raginwulf. Dans le genre tragique et qui met la haine...

http://www.youtube.com/watch?v=ugH-0IHg ... re=related

Et vu la violence de ce titre, avoir la haine contre les méchants en y jouant participe bien à l'ambiance !
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Je sais pas si vous avez vu, mais dans le genre dépressif y aussi la fin de Akai Katana avec les deux premiers persos... Même en sachant pas parler japonais, je pense que c'est assez explicite. :(

Edit : Pour continuer avec Cave, j'allais aussi oublier la trahison du général dans Dodonpachi, après qu'on ait massacré tous nos camarades sans le savoir. Et mis au tapis toute l'espèce humaine qu'on prenait pour une menace alien.
Les Galuda sont assez triste aussi.
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Parpaing
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Juste pour faire mon chieur, dans l'intro originale de Final Fight on voit bien la donzelle en question kidnappée !
Mais comme elle n'est pas très vêtue, elle a été censurée dans les versions américaines et européennes (probablement en versions console aussi).
Tatsujin Oh c'est plus chiant que Euro Truck Simulator 2
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DONNI
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Purée tu viens de me calmer là, Yace :? J'avais jamais fait cette analyse mais elle est réelle. Bon faut dire aussi que la production du jeu vidéo globale est quand meme très influencé par la culture Japonaise, et que les Japonais sont souvent pessimistes, y'a qu'a voir globalement leur mangas ou leurs animes..

Mais bon heureusement que ce constat n'est pas général, regardez par exemple Kirby Mouse Attack sur DS, on est à la poursuite d'une bande de souris qui nous ont volé notre part de gateau :charme: Bon j'ai pas encore fini le jeu, espéront que les souris n'explosent pas la planete de Kirby à la fin en représaille ..

Allez Yace, viens jouer à Kirby :mrgreen:
Megadrive forever...
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