[FANBOY INSIDE 69] Georges Brassens

Tranches de passions surtout rétro et surtout gaming, mais pas que. Alias "FBI" - si les fédéraux débarquent, c'est Yace qui a fait le coup.
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yace
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A tous ceux qui ont à l’esprit que la chanson ne
souffre ni modes, ni époques.

Dans cette section faite de passion, de tripes et disons-le, d'amour, il était assez inconcevable de n'y guère voir figurer un illustre personnage, et encore, le terme d'illustre est loin d'être assez finement connoté pour qualifier l'homme en question.

L'homme en question est d'ailleurs une image d'Epinal, deux éléments suffisent à renvoyer immédiatement à lui. Si je dis "pipe" et "guitare", à qui pensez-vous ? Hein ? à qui ?

BIENVENUE DANS CE FANBOY INSIDE dédié à GEORGES BRASSENS !

Elle est à toi, cette chanson…

Cette simple phrase suffirait à elle seule à résumer l’incroyable itinéraire de chanteur du troubadour sétois qui, en à peine trente années de carrière, aura su devenir un des auteurs français les plus connus au monde, dont le verbe aura su se hisser au rang de référence.

Déjà presque trente ans que de la Camarde Georges Brassens aura fait la rencontre…En ce triste jour du 29 octobre 1981, un tout jeune sexagénaire achevait son combat contre la grande faucheuse non pas par une défaite, mais par un match nul. L’invincible ennemie, même si elle nous a ôté à tous un ami, un confident, un chansonnier de grand talent même s’il s’en défendait, n’a finalement fait qu’emporter l’homme.
Mais l’auteur , l’artiste, le magicien du verbe est toujours parmi nous. Et tant que l’esprit à la fois gouailleur et rigoureux qui animait le poète trouvera encore des hôtes, Georges Brassens ne peut être mort. Après tout, ne suffit-il pas de l’écouter pour le sentir proche de nous, à nouveau ? Aujourd’hui, partout dans le monde, on écoute la voix rustique et chaleureuse de Brassens, qui sous ses dehors timides voire discrets, cachait en elle un authentique courage et une douce ironie qui l’avait amené à exprimer de sérieux engagements sous le couvert de l’humour… Toujours via une grande maitrise du verbe et une ardente discipline littéraire qui réussit même le prodige de faire cohabiter tant vocables soutenus que mots bien plus familiers ! Mais telle est la magie de Georges Brassens : avec lui, même les « Misérables salopes » s’insèrent parfaitement au sein d’une narration limpide dont les apparences comiques arrivent à masquer le caractère tragique d’une relation condamnée au naufrage, car après tout, Cupidon s’en fout…Georges Brassens dépasse les registres lexicaux en niant l’aspect érudit d’une langue très recherchée tout comme il ignorait ou feignait d’ignorer l’infâmie qui teintait ces mots, pourtant bien français, que l’on se plait par convenance à considérer comme vulgaires…Tout en reconnaissant à son véhicule linguistique quelques bassesses comme celle qui veut que « ce morceau de roi de votre anatomie …qui porte hélas le même nom qu’une foule de gens ».

Monument de la chanson française, célébré comme poète -ce qui n’était pas sans lui apporter quelque doute de son vivant- Georges Brassens aura su marquer de sa personnalité qu’il aimait à qualifier de quelconque cet univers d’apparence fermé qu’est celui de la chanson française. Je n’ai eu que trop peu longtemps l’honneur de partager physiquement le même monde que le Sétois, mais en dépit de cette disparité dans le temps, j’estime pourtant qu’aujourd’hui, Georges Brassens et moi-même partageons, à défaut du talent, le même univers fait de gorilles épris de justice, de gratitude universelle envers « La Jeanne », de jeunes et gentilles bergères amoureuses des chatons et de guitare rigolarde car « elle m’emmerde vous dis-je ! ». Georges Brassens a su créer un monde bien à lui, fait d’une multiplicité de personnages graves ou cocasses, dont les mésaventures, les déboires et la façon d’être savent s’immiscer jusque dans le cœur de l’auditeur. Chaque situation du quotidien, chaque banalité, et également chaque coup du sort a été traité par Brassens, de la déroute sentimentale du cocu « mais pas Amphitryon » à l’attente impuissante face à la mort, cette « Camarde », qui aura été une compagne fidèle de l’auteur qui l’a si souvent narrée voire raillée…comme si Georges Brassens avait tenté de l’apprivoiser, de s’en faire une amie, pour aller enfin la rejoindre, à l’image de son Pauvre Martin ou de Bonhomme , non pas en homme vaincu, mais en copain qui vient en visite…

Et cet univers, si propre et lié à la personnalité de son créateur, nous est ouvert à tous, dès qu’on y rentre, on est un peu de la famille, comme quand l’on franchit le pas de la porte de chez Jeanne…




GEORGES BRASSENS avant Brassens

Le 22 octobre 1921 à Sète nait Georges Brassens. De sa prime enfance bien peu aura filtré, si ce n'est une influence précoce de la posésie et notamment des textes de l'époque médiévale sur l'esprit de ce jeune garçons plus enclin a commettre de menus larcins en réunion que de suivre la même route que les braves gens...Le poète reconnu de tous sauf de lui-même préférait de son propre aveu les couleurs d'une nature qui le subjugait à celle du tableau noir.
Cependant, et comme à nouveau les braves gens n'aiment pas que l'on suive une autre route qu'eux, le jeune Brassens finit impliqué dans un vol de bijoux qui lui vaut de sérieux soucis à l'endroit de l'institution judiciaire, soucis aussi précoces que l'attirance du jeune Brassens pour cet outil facinant qui permet les plus belles constructions et ne nécessitent qu'un seul ouvrier, qu'un seul artisan, soi-même : le verbe.

Pour fuir l'opprobre qui le frappait désormais et avec laquelle il règlera ses comptes bien des années plus tard avec sa "Mauvaise Réputation", Brassens monte sur Paris en 1940, afin de tenter d'accomplir son ambition d'homme de lettres et également d'échapper à la perspective de devenir maçon auprès de son père. Après un apprentissage musical au piano sans jamais avoir appris le solfège (assez impressionnant je trouve ! Brassenss'affirme en autodidacte), il doit retourner dans sa ville natale, quand l'histoire le rattrape. En 1943, le régime de VIchy instaure le Service du Travail Obligatoire, et le jeune Georges est concerné. Il part travailler à Basdorf non sans avoir une pensée amicale pour cet étranger qui, d'un air malheureux m' a souri lorsque les gendarmes m'ont pris".

Brassens est donc réquisitionné pour servir de main d'oeuvre en Allemagne et, selon l'absurde propagande vichyste, être par là-même "l'ambassadeur de la qualité française". C'est lors de cette servitude qui ne faisait qu'encore plus accentuer l'humiliation infligée par l'Allemagne nazie à la France que le jeune Georges, entre deux cafés, commença à écrire ses premiers textes, d'ailleurs très inspirés de ce que devait vraisemblablement être son état d'esprit dans cette Allemagne qu'il n'avait nullement envie de connaitre et encore moins dans de pareilles conditions. Comme son Pauvre Martin et son Fossoyeur, Brassens accomplit de basses besognes dans une usine BMW qui produisait pour l'heure des pièces de moteurs d'avion. Ses compagnons d'esclavage commencent à désigner ce jeune homme qui trompe son ennui et sa révolte avec l'écriture nocturne à la bougie comme "le Poète". Profitant d'une permission Brassens déserte le STO en se réfugiant chez Jeanne, la Jeanne face à laquelle il n'aura que de trop superbes mots pour lui témoigner une reconnaissance et une tendresse qui l'habiteront toute sa vie, et même par-delà la mort de "La Jeanne" en 1968.
A ce sujet, rendons également un petit hommage à un autre illusionniste des mots, le délectable Bobby Lapointe (1922-1972), qui avait réussi à tromper les Allemands lors de son enrôlement au STO, en changeant son nom de "Robert Lapointe" en "Robert Foulcan". Et pourquoi ? Car du STO Robert fout le camp ! Quand il revenait sur cette anecdote, Lapointe disait entre deux lampées de ce rouge bordelais qu'il aimait tant : "Je ne les ai aucunement pris au dépourvu".

Nous sommes en 1944 et Brassens se terre donc au 9 de l'impasse florimont à Paris, un logis extrêmement modeste sans installation d'eau courante. Mais, homme de sentiment et d'une modestie tout à fait comparable à celle de son lieu de résidence, Brassens y restera jusqu'en 1966 et y composera une majeure partie de son oeuvre tant musicale que littéraire et militante.


BRASSENS devient Brassens

La fin de la guerre lui permettant de sortir de la semi-clandestinité dans laquelle il vivotait, Georges Brassens retrouve un esprit encore plus critique qui l'amène à se faire le parolier des marginaux,et un ardent défenseur de la qualité d'être humain à la Libération, tout comme il moquera équitablement les "deux oncles mort chacun pour leurs amis tandis que lui qui n'aimait personne vit encore" et qu'il éprouvera une compassion sincère pour ces femmes qui, convaincues d'avoir eu des relations avec des soldats d'occupation, étaient publiquement tondues et dont il usera d'un "accroche-coeur" afind'avoir sa propre rosette à sa boutonnière, lui qui de la Patrie ne "méritait guère". Expression de modestie de la part d'un jeune homme qui avait fui le STO et donc risquait la peine capitale sous le régime de Vichy...

Ses conditions de vie modestes et sa connaissance des milieux marginaux du Paris d'après 1945 amenèrent Georges Brassens, jeune homme modeste mais nanti d'une culture littéraire étonnante pour un homme de cette condition à se rapprocher des milieux anarchistes, et en 1946 il intègre l'équipe du journal Le Libertaire créé un demi-siècle plus tôt par Louise Michel et Sébastien Faure. Il y occupera entre autre les fonctions de correcteur, ce qui ne laisse que peu de doutes quant à la réalité de ses capacités de rédaction et de composition.
Les articles de Brassens, qui dissimulait sa plume sous d'amusant ou de sinistres pseudonymes (Jo La Cédille, Gilles Corbeau, Geo Cédille ou encore Pépin Cadavre) sont certes virulents et peuvent être à l'origine de bon nombre de ses textes, mais sont d'un point de vue strictement lexical d'une grande richesse. Que l'on adhère au fond de la pensée de ce jeune homme de 25 ans ou non, la très haute tenue du vocable ne peut que faire l'unanimité. Certains textes gouailleux comme Hécatombe et ses gendarmes massacrés par une foule de rombières hostiles au marché de Brive-La-Gaillarde auraient-ils seulement existé si le jeune Brassens n'était pas exercé en énonçant qu' "en dépit du trépas d'un flic fauché par un cycliste, nous n'ignorons pas qu'il reste encore des centaines et des centaines d'autres qui continuent à vivre et à empuantir le pauvre monde" ? Et de surenchérir, acerbe : "La police tire en l'air, mais les balles fauchent le peuple."

Mais ce que Brassens aime le plus, c'est la poésie. Il abandonne son poste au Libertaire en 1947 mais conservera sa sympathie aux milieux anarchistes toute son existence et continue de composer ses textes, n'hésitant pas à reprendre un seul et même couplet durant plusieurs heures. Une chanson, c'est une lettre à un ami disait-il, et on ne doit pas être autre chose qu'authentique avec un ami !

Et l'on arrive à une année charnière pour l'auteur et sa rencontre décisive avec celle qui le révèlera au public : 1952 et Patachou, qui introduit sur scène "Les textes mis en musique de monsieur Georges Brassens". Notons que parler de chanson est somme toute assez vague, mais parler de "textes mis en musique" est autrement plus précis et révélateur de deux éléments, les textes rédigés rigoureusement selon les principes les plus stricts de la versification, ou alors d'une richesse lexicale carrément inhabituelle, et l'air, le son qui accompagne les mots...Brassens était déjà présenté comme un artiste atypique.

MONSIEUR GEORGES BRASSENS

A présent, le public découvre cet homme bourru d'apparence, son costume, sa grosse moustache rustique , mais surtout sa guitare, sa poésie drôlatique, provocante et émouvante ainsi que l'habitude de chanter avec un pied sur un tabouret. Etrange découverte que celle de cet illustre inconnu qui vient chanter les déboires de gendarmes qu'on ne peut castrer car par bonheur ils n'en avaient pas, d'une bergère très maternelle avec son petit chat, d'amours fugaces portés par des bancs verts pas uniquement reservés aux impotents ou aux ventripotents et du risque d'heberger une "putain de toi" !
Un répertoire tout nouveau et très vivace chanté par un monsieur que l'on verrait plutot siroter son apéritif que militer activement pour des causes qui en ces années 50 étaient plutôt montrées du doigt ! Tout comme un certain Boris Vian qui réussissait à travestir un message d'incitation à la désobéissance civile et militaire par le biais de la musique alors que la guerre d'Indochine venait de s'achever pour laisser place au conflit naissant en Algérie, Georges Brassens arrive venu de nulle part et émancipe la chanson française en quelques vers et quelques accords !

Et on commence à s'intéresser à ce drôle d'oiseau (de passage). René Fallet, qui deviendra son ami jusqu'à la mort, ressort subjugué d'un récital de Brassens et n'a rien de plus pressé que d'écrire un article pour le Canard Enchainé intitulé "Allez Georges Brassens !" et publié dans le numéro du 29 avril 1953.
On apprend de cet homme qu'il a également publié des poséie et un roman, parodiquement estampillé NRF. En décembre, Polydor lui permet un premier enregistrement qui officiellement ouvre l'univers de la distribution phonographique à cet esprit marginal mais si attachant.


Mais toujours Brassens reste humble, se refusant à quitter son petit taudis de l'impasse Florimont qui est devenu son havre avec l'obligation de se laver dans une cour et la compagnie de chats connus ou inconnus et une douce odeur de tabac à pipe. Le succès commence à se faire grandissant en dépit de la "modestie maladive" de l'auteur-compositeur-interprète qui maudissait le vedettariat tapageur que n'avaient pas renié Maurice Chevalier, Tino Rossi ou André Dassary (dont un petit tour sur Wikipédia vous renseignera sur le titre qui fit sa célébrité et entraina ensuite la perte). Brassens devient une curiosité dont on attent avec joie ou crainte les prochaines élucubrations, et devient un fer de lance d'un mouvement de chanon à texte décomplexée et moqueuse en ce début des années 1960 après la mort de Boris Vian survenue en 1959.

Les années 60 sont celle du couronnement sans couronne de Georges Brassens, mais également le début de ce mal qui devait finir par l'emporter. On voit ce colosse moustachu à l'air bien campagnard, n'hésitant pas à interrompre une représentation le temps d'une rondelle de sauciflard, son contrebassiste et à eux deux, ils occupent la scène qui le temps du concert est plus qu'une simple scène pour se muer en une authentique tribune à l'amour, à l'anarchisme individualiste, à l'humour irrévérencieux mais toujours fort bien amené, et également à l'ennemie de toujours, la "Camarde", celle qui l'accompagne...Après tout, la mort nous accompagnant toute notre vie, elle ne peut être une ennemie ! Seul un véritable ami saurait se montrer si fidèle...

La richesse de l'environnement de la chanson française trouve son apogée parmi les compostitions de Brassens, qui loin des mouvements de mode par nature éphémères comme le disait Sacha Guitry, connait de grands jours grâce au Sétois, mais aussi à Brel, Ferré, Lapointe, Piaf...Si au moyen-âge les trouvères rendaient hommage au langage, si la chanson s'est estompée avec l'emergence d'une littérature très fournie que le monde ne nous envie à tort pas autant que la cuisine, cette période marque enfin la renaissance littéraire de la musique qui pour le coup, se lit et se consulte autant qu'elle s'entend.
Ce rapport entre parole et musique sera d'ailleurs l'un des thèmes principaux abordés lors de la réunion sur les ondes de Brassens, Brel et Ferré le 6 janvier de l'an de grâce 1969. A écouter ICI.



LA FIN

Dans les années 1970 (qui ironie du sort s'ouvriront par l'inoubliable Avec le temps de Léo Ferré, l'état de santé de Georges Brassens suscite de plus vives inquiétudes. A peine âgé de 50 ans en 1971, son visage s'altère et il semble vieillir trop rapidement. Lapointe s'en va jouer de l'hélicon dans un autre café-concert en 1972 aux côté de la trompette d'un Boris Vian parti treize années auparavant, et Brel qui entretemps était devenu un sacré Emmerdeur finit par aller compléter leur formation en un monde meilleur en 1978. Nouveau décès qui inspirera à Brassens ces mots émouvants : Ne dites pas n'importe quoi, quand on s'appelle Brel, on ne peut plus mourir". Force de caractère et sublime formulation du refus de la mort, de ces victoires de la Grande Faucheuse qui lui avait ravi ses parents et sa chère Jeanne...Brassens lui-même avait du se résoudre à faire ses adieux à Bobino en mars 1977...
Désormais, Brassens perd son côté "homme public" qu'il avait d'ailleurs toujours plus ou moins ignoré ou feint d'ignorer et se retire chez lui d'où il continue néanmoins à écrire, dans son bureau saturé de livres de poésie médiévale, de littérature classique et de ses chats adorés dont il déclarait : Je ne sais pas comment ils s'appellent, car je ne leur ai jamais donné de nom, ils viennent d'eux mêmes s'ils le désirent".
Fin 1980, l'état de santé de Georges Brassens, secoué de calculs abdominaux et de coliques néphrétiques qui lui tenaient compagnie depuis 1961, s'aggrave brutalement. On est obligé de le surveiller de près. Après une courte phase de soulagement durant laquelle il se remet à la plume, il s'effondre. Le 22 octobre 1981, on fête ses soixante ans en compagnie d'un Brassens qui sourit comme pour masquer sa douleur et, au prix de sa santé, ne pas inquiéter des amis de longue date- Brassens n'avait que des amis de longue date !- venu lui remonter le moral, alors qu'en fait, c'était ce nouveau sexagénaire qui prenanit sur lui pour maintenir le moral de son cercle d'amis ! Le 29 octobre il est transporté à Saint Gély du Fesc où la Camarde viendra à lui à 23h15. Brassens quitte l'actualité pour la légende.


LA CHANSON SELON BRASSENS

Je vous demande tout d'abord de m'absoudre pour l'intitulé beaucoup trop catégorique de cette partie de texte, intitulé que Georges n'aurait certainement pas trouvé juste, lui-même se déniant comme poète. Après tout, la chanson existait avant Brassens, et existe encore après lui (même si je n'en suis plus si sûr).

Il est des thèmes récurrents dans l'univers de Brassens. L'amitié, la revendication individualiste, l'humour grinçant, les rapports humains et la mort. Ecouter l'oeuvre de Georges Brassens est une fenêtre ouverte sur la vie de l'auteur qui a su associer à chaque moment de sa vie un texte comme pour figer dans le temps ces instants fugaces qui jalonnent toute une existence.

Mais pour se jouer de son public tout en satisfaisant son perfectionnisme de créatif, Brassens a toujours évité l'écueil d'une expression si directe qu'elle en perdrait sn charme. Dans le Gorille, on assiste à une narration comique et originale d'un grand singe puceau au milieu de toute une foule dont l'animal se moque pour aller honorer un magistrat dans un maquis, magistrat qui de victime d'un viol commis par le seul gorille qui ne soit pas affublé d'un micro-pénis passe à celui de bourreau assumé lors des dernières paroles du morceau pour révéler la moralité finale d'un plaidoyer contre la peine capitale au terme d'une chanson bien grasse dont l'aspect trivial n'est là que pour augmenter son coup de théâtre final...Thème repris dans la Messe au Pendu qui comporte cet assez extraordinaire axiome fruit d'une coexistence surprenante : mort à toute peine de mort...Une ultime satisfaction accordée à l'auteur qui verra la peine capitale abolie trois semaines avant de mourir.
Les Copains d'abord ! Fasciné par ce partage inhérent à l'amitié, Brassens n'aura de cesse à travers nombre de ses textes d'appeler au rapprochement et à la dignité humaine comme dans ses très controversés La Tondue, Les Deux Oncles qui pronent la suprématie de la qualité d'homme sur les passions destructrices, tout en soulignant la cruauté et l'absurdité de ces criminelles entreprises belliqueuses avec sa guerre favorite, celle de 14-18, une guerre à laquelle les imbéciles heureux qui sont nés quelque part seraient partis sans trop savoir pourquoi mais pour autant avec une conviction acquise d'on ne sait où...Preuve peut-être bien de leur inexistance !
Mais lier absurdité à l'humour n'était guère une gageure pour le moustachu Sétois, lui qui avait si justement remarqué que le temps ne faisait rien à l'affaire de la connerie des hommes. Constat anthropolgique qui veut qu'on ne peut ni trinquer avec des inconnus, ni les fleurir, ni même leur serrer la main sans être louche. L'amitié est un rapport fragile dit-on, jamais pareille affirmation n'aura trouvé plus cinglant démenti qu'avec l'oeuvre de Brassens et son côté philanthropique qui pourtant ne l'empêchait pas de dire merde là où d'autres diraient amen.

Fidèle au delà de la mort à ceux qui l'avaient un jour ou l'autre et d'une façon ou d'une autre remonté tel cet étranger qui lui a d'un air malheureux souri, ou la mère universelle Jeanne et même son père le costaud qui venait chercher son voleur en lui offrant du tabac là où d'autres pères s'étaient emportés, Brassens se gaussait allègrement de ceux qui suivaient la plupart du temps ou celle-ci est pour majorité "constituée de faux-culs" cette bienséance infondée à plus de quatre, car le pluriel ne vaut rien à l'homme...Tout en louant l'amour mais en opérant une authentique "non demande en mariage", ni devant le maire car aux noces de Jeannette tonton Nestor gâche la noce, ni à l'église car sans le latin la messe nous emmerde !
Souhaitons -lui de bonnes et éternelles vacances sur la plage de Sète, lui l'éternel estivant qui passe sa mort en vacances...

Pauvre Martin,pauvre misère, dors sous la terre, dors sous le temps !

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Je ne sais pas si je peux légitimement dire avoir achevé ce texte sur Georges Brassens tant la portée de ses textes est incommensurable. De nombreux ouvrages et hommages plus ou moins bons ont été dédiés à ce géant de la chanson au talent si particulier, dont la personnalité demeure encore aujourd'hui à l'abri des modes. J'achève en reprenant la phrase de Brassens au sujet de la mort de Brel, mais en remplaçant "Brel" par "Brassens" : on ne peut pas mourir quand on s'appelle Brassens.

APPENDICE : vers choisis

Bakounine, penseur de l'anarchisme, anarchisme dont se réclamait Brassens sans n'avoir pourtant jamais lancé le terme "anarchie" qu'une seule fois dans son oeuvre dans son titre Hécatombe, déclarait que la liberté était indivisible, et que par voie de conséquence naturelle, évidente et irrésistible, on ne pouvait en prélever une partie si infime soit-elle sans la détruire totalement. Je reprends cette vigoureuse affirmation à mon compte en annonçant que pour avoir écouté Brassens, il est fort insuffisant de se limiter à un ou deux titres, mais qu'il est naturel, évident et irrésistible de devoir écouter l'ensemble de la production de l'auteur.
A contrario, il semble assez opportun de conclure ce petit laius par une selection de quelques lignes de Brassens afin de dresser un panel de la beauté qui règne dans ce monde fait de guitare et de tabac à pipe en bois ornée de fleuron, de ces pipes qu'on fume en levant le front, sans égaler le gout de sa vieille pipe en bois...Tout comme l'impasse Florimont et son petit taudis qui ne seraient jamais égalés même par le plus luxueux des appartements, car Brassens, c'est l'authenticité au delà des apparences.

Sacré nom d'une pipe !


Il peut dormir ce souverain
Il peut dormir ce souverain
Sur ses deux oreilles serein
Sur ses deux oreilles serein
Il y a peu de chances qu'on
Détrône le Roi des cons.
(Le Roi)

Jean s'en va-t-en terre
Son père chercher,
Le cherche trois heures,
Où s'est-il caché ?
Mais un brave cœur lui dit
Ton papa, pauvre petit,
L'est déjà-t-en cendres,
Le bon Dieu n'est pas gentil.
(Jean rentre au village)

Par un petit matin d'été
Quand le soleil vous chante au cœur
Qu'elle est belle la liberté
La liberté
Quand on est mieux ici qu'ailleurs
Quand un ami fait le bonheur
Qu'elle est belle la liberté
La liberté
(Heureux qui comme Ulysse)

Les hommes sont faits, nous dit-on
Pour vivre en bande, comm' les moutons
Moi, j'vis seul, et c'est pas demain
Que je suivrai leur droit chemin
(La Mauvaise Herbe)

Ils s'apercevront émus
Qu' c'est au hasard des rues
Sur un d'ces fameux bancs
Qu'ils ont vécu le meilleur morceau de leur amour
(Les Amoureux des bancs publics)

Il a fallu qu'elle me quitte
Après m'avoir dit grand merci
Et je l'ai vue toute petite
Partir gaiement vers mon oubli
(Le Parapluie)

De la mansarde où je réside
J'exitais les farouches bras
Des mégères gendarmicides
En criant: "Hip, hip, hip, hourra!"
(Hécatombe)

Je ne fais pourtant de tort à personne,
En suivant les ch'mins qui n'mènent pas à Rome,
Mais les brav's gens n'aiment pas que
L'on suive une autre route qu'eux,
(La mauvaise réputation)

Lors, j'ai vu qu'il restait encor
Du monde et du beau mond' sur terre
Et j'ai pleuré, le cul par terre
Toutes les larmes de mon corps
(Celui qui a mal tourné)

J'ai quitté la vie sans rancune
J'aurai plus jamais mal aux dents
Me v'là dans la fosse commune
La fosse commune du temps
(Le Testament)

Dans un coin pourri
Du pauvre Paris,
Sur un' place,
Une espèc' de fé',
D'un vieux bouge, a fait
Un palace.
(Le Bistrot)

Les bonnes âmes d'ici bas
Comptent ferme qu'à mon trépas
Satan va venir embrocher
Ce mort mal embouché
(Le Pornographe)

Le temps ne fait rien à l'affaire
Quand on est con, on est con
Qu'on ait vingt ans, qu'on soit grand-père
Quand on est con, on est con
(Le temps ne fait rien à l'affaire)

Mais Jeanne, la Jeanne
Ne s'en soucie pas plus que de colin-tampon
Etre mère de trois poulpiquets, à quoi bon
Quand elle est mère universelle
Quand tous les enfants de la terre
De la mer et du ciel sont à elle
(Jeanne)

Le pluriel ne vaut rien à l'homme et sitôt qu'on
Est plus de quatre on est une bande de cons.
Bande à part, sacrebleu ! c'est ma règle et j'y tiens.
Parmi les cris des loups on n'entend pas le mien.
(Le Pluriel)

Si j'ai trahi les gros, les joufflus, les obèses,
C'est que je baise, que je baise, que je baise
Comme un bouc, un bélier, une bête, une brut',
Je suis hanté : le rut, le rut, le rut, le rut !
(Le Bulletin de Santé)

Elle m'emmerde et j'regrette mes belles amours avec
La p'tite enfant d'Marie que m'a soufflée l'évêque
Elle m'emmerde, vous dis-je
(Misogynie à part)

Quatre-vingt-quinze fois sur cent
La femme s'emmerde en baisant
Qu'elle le taise ou qu'elle le confesse
C'est pas tous les jours qu'on lui déride les fesses
(Quatre-vingt quinze pour cent)

Cupidon ce salaud reste chez lui qui n'est pas rare
Avait trempé sa flèche un petit peu dans le curare
Le philtre magique avait tout du bouillon d'onze heures
Parlez-moi d'amour et j'vous fous mon poing sur la gueule
Sauf le respect que je vous dois
(Sauf le respect que je vous dois)

Ils ne savent pas ce qu'ils perdent
Tous ces fichus calotins
Sans le latin, sans le latin
La messe nous emmerde
(Tempête dans un bénitier)

Et gloire à ce soldat qui jeta son fusil
Plutôt que d'achever l'otage à sa merci
Et gloire à don Juan d'avoir osé trousser
Celle dont le jupon restait toujours baissé
(Don Juan)
Ancienne enfant d'Marie-salope
Mélanie, la bonne au curé,
Dedans ses trompes de Fallope,
S'introduit des cierges sacrés.
Des cierges de cire d'abeille
Plus onéreux, mais bien meilleurs
Dame! la qualité se paye
A Saint-Sulpice, comme ailleurs.
(Mélanie)

Georges BRASSENS
22 octobre 1921 - 29 octobre 1981
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On nous promet les cieux, nom de Dieu, pour toute récompense
Tandis que ces messieurs, nom de Dieu, s'arrondissent la panse, sang Dieu!
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yace a écrit : Si je dis "pipe" et "guitare", à qui pensez-vous ? Hein ? à qui ?
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yace
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Ça y est il est là ! Je ne suis pas a cet instant dans de bonnes conditions pour pouvoir l apprecier , et compte tenu de l attachement que tu lui porte et de la passion qui doit emaner de chaque mot chaque phrase, j attendrais d etre paisiblement a la maison pour m en impregner comme il se doit.

En tout cas si je ne me trompe pas c est le premier fbi autour de la musique meme si chez Brassens il y a evidemment bien d autres dimensions, cela me rejouit car je ne te cache pas que j aborderai bien un jour un sujet musical dans ces colonnes et j avais comme une apprehension d etre trop en dehors de ce qui nous reunis dans cet espace.
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Risike
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Magnifique ! Tout simplement magnifique ! Là mon Yace je crois que c'est ton article le mieux écrit, je n'arrive même pas à trouver de mot pour décrire la qualité de ta plume sur ce coup...

Tonton Georges a tout à fait sa place au FBI ! Un Grand Homme, si ce n'est le plus grand.

J'ajourais ces quelques vers à tes morceaux choisis :

Et le peu qui viendra
d'eux à vous
C'est leur fiante
Les bourgeois sont troublés
De voir passer les gueux

(Les Oiseaux de Passage, l'une de ses plus belles chansons selon moi)

Tu m'as donné envie de me lancer dans un FBI sur un grand qui a bercé ma vie depuis tout petit : Renaud.
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yace
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Merci compère de ce compliment qui me va droit au coeur. Mais moi je n'y suis pour rien, tout est du à la beauté de l'oeuvre de Georges, notre camarade, notre compère, notre ami...

"Trente" ans après, coquin de sort, il manquait encore.
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Hobbie
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Tout simplement superbe !

Quoi que tu en dises Yace, c'est un bien bel hommage que tu lui rends ici !
Et puis merci pour le lien audio de l'interview avec Ferré et Brel ! Un moment d'anthologie agrémenté de splendides répliques !

"Elles sont autant artistes que nous sommes prostitués"

Magnifique celle-ci !

Et un petit extrait d'une chanson en hommage à Brassens venant d'un chanteur que j'apprécie aussi énormément :

Un jour tu es parti sous terre où dans le ciel
Pour goûter au repos que l'on dit éternel
Rejoindre les copains qui t'avais précédé
Et courtiser les muses de l'autre côté


- Moustaki "Un Jour tu es Parti" -
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On ne peut que s'incliner devant la haute qualité de cette nouvelle rédaction, c'est fluide, inspiré, chaque phrase dessert la suivante avec aisance et maestria ; superbe.
Quel hommage grandiose alors que c'est l'anniversaire de sa disparition !

Bravo et merci Yace.

Je regrette de ne pas m'être penché davantage sur le personnage au moins à l'époque du lycée qui portait son nom, maintenant c'est différent les années se sont écoulées , ma perception des choses a changé et je crains malgré tout que son œuvre ne parvienne plus à me toucher en profondeur aujourd'hui .
Il n'en demeure pas moins un Artiste singulier et très attachant parce que profondément humain et je retiens surtout l'immense poète qui aura su faire briller et vibrer avec sa verve unique toute une génération.

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Vince2
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ça me rappel mon enfance.
Ma moman écoutait ses vinyles de Brassens le samedi matin quand elle faisait le ménage...
Je me souviens qu'elle chantait en même temps...
Je fermais la porte du salon et je montais le son de ma TV pour pouvoir mater mes dessins animés peinard! :D
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kakusai
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Qu'est ce que je suis passé a coté de Brassens.
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sisi
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Bel hommage à Brassens que tu nous as fait là, Yace le fou! :aaah:
C'est sans conteste le chanteur que je connais le mieux, (sa vie + une bonne centaine de chansons par coeur) , c'est le coffret de Brassens que j'ai emporté avec moi quand je suis parti m'exiler 6 mois en terre étrangère (la Corée en cl'occurrence) et même si je ne l'écoute plus beaucoup aujourd’hui, c'est bien un FBI que j'aurais volontiers co-signé.
Notons juste que Brassens était vraiment un sage, on le sent dans ses interviews comme dans ses chansons, et c'est intéressant de l'entendre chanter, malgré ses positions anti flic ou anti-cléricales, "Messe au pendu" et "l'épave" qui rendent hommage à certains agents de l'ordre et certains curés qui, comme le dit très justement Didier Super, sont des biens.

J'aime aussi beaucoup la chanson de chez nous, mais si je dois écrire un FBI, je prendrai d'office les chanteurs oubliés, voire détestés (j'adore Brel par exemple, mais bon, à quoi bon écrire sur lui quand il existe déjà tant de livres sur ce chanteur belge!)
Alors, si FBI il y a, ce sera ou Damia, ou André Dassary ("maréchal nous voilà", c'est une chouette chanson, et pourtant à chaque fois que je la chante, je remarque qu'elle n'est pas du goût de tous) ou le déjà cité Didier Super (et pareil que pour André Dassary: beaucoup n’apprécient guère ).
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Excellent, j'adore Brassens.

Un des rares chanteurs qui arrivait à concilier ses chansons avec ses idées politiques.

Brassens est un chanteur intemporel.

Sa conception de l'amitié avec son petit cercle d'amis.
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Merci messieurs.

@Sisi : l'idée d'un FBI en commun me parle tout particulièrement. On se trouve un sujet et se lance quand tu veux.
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sisi a écrit :Bel hommage à Brassens que tu nous as fait là, Yace le fou! :aaah:
C'est sans conteste le chanteur que je connais le mieux, (sa vie + une bonne centaine de chansons par coeur) , c'est le coffret de Brassens que j'ai emporté avec moi quand je suis parti m'exiler 6 mois en terre étrangère (la Corée en cl'occurrence) et même si je ne l'écoute plus beaucoup aujourd’hui, c'est bien un FBI que j'aurais volontiers co-signé.
Notons juste que Brassens était vraiment un sage, on le sent dans ses interviews comme dans ses chansons, et c'est intéressant de l'entendre chanter, malgré ses positions anti flic ou anti-cléricales, "Messe au pendu" et "l'épave" qui rendent hommage à certains agents de l'ordre et certains curés qui, comme le dit très justement Didier Super, sont des biens.

J'aime aussi beaucoup la chanson de chez nous, mais si je dois écrire un FBI, je prendrai d'office les chanteurs oubliés, voire détestés (j'adore Brel par exemple, mais bon, à quoi bon écrire sur lui quand il existe déjà tant de livres sur ce chanteur belge!)
Alors, si FBI il y a, ce sera ou Damia, ou André Dassary ("maréchal nous voilà", c'est une chouette chanson, et pourtant à chaque fois que je la chante, je remarque qu'elle n'est pas du goût de tous) ou le déjà cité Didier Super (et pareil que pour André Dassary: beaucoup n’apprécient guère ).
Attends là, y'a un problème... Comment on peut aimer Brassens et Brel et chanter une chanson à la gloire du régime nazi ?
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sisi a écrit :"maréchal nous voilà", c'est une chouette chanson, et pourtant à chaque fois que je la chante, je remarque qu'elle n'est pas du goût de tous
Heu...
Si j'ai bien lu les infos, c'est une 'chanson' rendant hommage au Maréchal Petain.
C'est normal qu'elle ne soit pas du goût de tout le monde.
J'oserai même dire : c'est rassurant !
Après, peut-être que le mec a été menacé pour qu'il produise ça.
Mais dans tous les cas, sa 'chanson' ne mérite pas d'être chantée.

Tu veux faire un FBI sur des chanteurs détestés ou détestables ? :D
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André Dassary n'a pas interprété que Maréchal nous voilà non plus. J'avoue ne pas connaitre le repertoire de l'individu, mais c'est l'occasion de le connaitre un peu plus.

Après tout, d'autres interprètes ont été à tort ou à raison assimilés à des chanteurs compromis avec le régime de Vichy comme Maurice Chevalier ou même Charles Trenet.

Brassens lui-même a été assimilé à un chanteur faisant l'apologie des collaborationnistes avec ses textes Les Deux Oncles et La Tondue.

A ce propos, Brassens a été aussi fortement controversé pour son titre La Guerre de 14-18.
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yace a écrit :André Dassary n'a pas interprété que Maréchal nous voilà non plus. J'avoue ne pas connaitre le repertoire de l'individu, mais c'est l'occasion de le connaitre un peu plus.
Je suis d'accord sur le principe. C'est pour cela que je condamne juste cette 'chanson' et pas forcément son auteur.

Mais très sincèrement dans la chanson, de mon point de vue, on a pas le droit à l'erreur.
La voix d'un chanteur vient de son cœur, surtout quand on parle de musique populaire. Et là, en l'occurrence, avoir créé cette 'chanson' prouve que ce type a manqué (manque et manquera) d'humanité, et donc de cœur. Il peut être le géniteur de je ne sais quel chef-d'œuvre, cela n'effacera en rien sa faute.

Pour Brassens, il s'agit d'une mauvaise interprétation des auditeurs.
L'auteur n'est pas en cause. Dans le cas de Dassary, vu le contexte, il n'y a pas d'ambiguïté possible.
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Dassary n'est que l'un des interprètes de ce titre. Les paroles sont d'un certain André Montagard sur un air d'opérette déjà connu à l'époque.
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Histoire que ce soit clair, je suis pas en train de dire que les compositeurs/interprètes de cet infamie méritent la mort ! Juste que, comme Risike, je suis étonné d'entendre sisi (qui à l'air d'être quelqu'un d'intéressant) qualifier cette 'chanson' de 'chouette' et avouer qu'il la fredonne en public.
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Je confirme que le Sisi est vraiment un gars intéressant :charme:
Après, la controverse est parfois un moyen de se singulariser. Moi il m'arrive de fredonner Hécatombe ou Le mauvais sujet repenti devant les représentants de la Maison Poulaga quand j'en croise, tout comme au boulot, Le Temps ne fait rien à l'affaire et Misogynie à part qui faisaient leur effet sur mes collègues masculins et féminins.

Apprécier des textes ne signifie pas une adhésion franche et totale à ce que furent leurs auteurs (exception faite pour moi de Brassens bien sûr, mais aussi Léo Ferré, je connais un peu moins bien Jacques Brel). Aussi surprenant que ça puisse paraitre, je compte Céline et Brasillach parmi mes auteurs favoris car je révère leur style et leur construction littéraire, tout comme j'aime beaucoup le cinéma de Claude Autant-Lara, ce qui ne m'empêche pas d'avoir mes opinions profondes diamétralement opposées à celles de ces messieurs. Je crois que l'art ne crée ni ne provoque la vie. C'est même l'inverse, la vie est à l'origine de l'art. Dans le cas de Brassens, des titres comme Putain de toi, Les quatre Bacheliers, Jeanne ou Chanson pour l'Auvergnat ont d'ailleurs une forte dimension autobiographique.
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Oui, on peut très bien apprécier une œuvre pour son aspect purement 'technique' (en vulgarisant un peu ^^). Mais dans le cas d'une chanson, le fait de la chanter (de surcroit en public), tend à prouver que les considérations vont au delà de ce seul point. Enfin, je laisse à sisi le soin de nous répondre à ce sujet.

Pour en revenir à Brassens tout en restant sur la controverse, même si j'ai beaucoup de respect pour l'homme et sa carrière, j'ai du mal avec certains de ces textes, comme Hécatombe justement. Les Pandores que l'on préfère sous forme de macchabées, j'assimile clairement cela à un appel à la violence et c'est quelque chose que je ne supporte pas dans la chanson. Moi non plus je peux pas saquer les flics, mais je voudrais juste qu'ils soient plus humains et pas morts.

Après cela ne fait pas de lui un meurtrier ou quoi que ce soit.
Cette chanson peut très bien avoir été crée dans le but d'évacuer ce genre de pensées.
Dernière modification par Hobbie le 28 avr. 2011, 19:04, modifié 2 fois.
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Hécatombe (un de mes textes préférés de Brassens) a été écrit a une époque où Brassens venait de quitter Le Libertaire, mais dans sa grande période anarchiste. Ce texte très osé pour l'époque était une façon pour l'auteur de poursuivre sa dénonciation de la police, une dénonciation teintée d'humour noir et caustique là où les articles de Brassens (signés Jo la Cédille, Géo Cédille, Gilles Corbeau ou Pépin Cadavre) étaient assez dépourvus d'humour pour donner dans la virulence, une virulence qui m'enchante réellement.

C'est un des textes qui font de Brassens un chansonnier libertaire à une époque où la contestation par la chanson commençait réellement à émerger (parmi entre autres Le Déserteur de Vernon Sullivan alias Boris Vian, Au suivant de Jacques Brel). C'est d'ailleurs dans ce titre que Brassens utilisera pour la seule et unique fois le terme d'anarchie.

Dans son titre L'Epave, Brassens tempère sa répulsion du flic en soulignant que sous l'uniforme se terre parfois un être humain (symbolique de la situation, c'est en retirant sa pèlerine que le représentant de l'orde, "venu d'un pas débonnaire" montre sa compassion face à l'épave dépouillée). Ainsi que Sisi l'avait déjà souligné d'ailleurs.

La conclusion de ce couplet "Il y a des flics bien singuliers" est très révélatrice de l'esprit Brassens : une gouaille objective qui sait reconnaitre le bon et le bien même là où il ne l'attendait pas :

Et depuis ce jour-là, moi, le fier, le bravache,
Moi, dont le cri de guerr' fut toujours " Mort aux vaches ! "
Plus une seule fois je n'ai pu le brailler.
J'essaye bien encor, mais ma langue honteuse
Retombe lourdement dans ma bouche pâteuse.
Ça n'fait rien, nous vivons un temps bien singulier...


Ce qui démontre que Brassens voyait d'abord l'humain, au point même d'en trouver chez les flics, même si la fin de son texte montre un homme ébranlé et désabusé. C'est là tout le génie de l'homme : au delà de ses convictions (que je partage allègrement), sa raison garde le dessus. Comme il le déclarait lui-même à propos de ce texte ou encore de La Messe au Pendu, il est des exceptions qui confirment les règles et rendent la vie moins catégorique, donc inépuisable.
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Hobbie
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De toute façon pour avoir réussi à toucher tant de gens, Brassens était évidement quelqu'un de profondément humain. Et c'est ce qui fait que j'aime le personnage.
Pas pour son côté révolutionnaire/anarchiste (bon... si, un peu...) mais pour sa profonde sincérité en tant que chanteur.
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Un documentaire est programmé ce soir sur France 5 à 21h40.
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Shadow gallery a écrit :Un documentaire est programmé ce soir sur France 5 à 21h40.

très joli documentaire d'ailleurs. Cela repasse dimanche 8 et 15 mai.
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Un portrait intime tres reussit , la muse Jeanne m'a fait pensé a la relation Gala/dali , tres beau.

C ' est curieux comme je me suis identifier par moment a Brassens surtout avec les chats .

Des documentaires de cette qualité sur Arte/france 5 c est autant que vous voulez !!!!
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sisi
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Yep, merci Shadow gallery :aaah: , pour une fois, ça vaut le coup d'allumer sa télé!
Je suis pas fan des portraits intimes, mais là, voir ces films amateurs, entendre les témoignages des proches de Brassens, et l'entendre lui, surtout, j'ai trouvé ça très touchant.

Pour revenir à mon post sur Dassarry, j'étais ironique, bien sûr, par goût pour la provocation, j'avoue...Mais aussi parce que j'aime défendre ce qui d'emblée se fait critiquer (j'ai même défendu l'action de la police devant des élèves dit "difficiles" qui évidemment n'avaient que haine pour les représentants de l'ordre, mais je n'aurais pas eu le même discours devant un gars qui applaudit aux décisions de Claude Guéant...peut être un gout trop prononcé pour la contradiction, désolé, ou plutôt parce que j'aime bien montrer la frange d'or des noirs nuages, tout comme le côté obscur des jolies choses...)
En fait, je ne connais de ce Dassarry que cette chanson (par coeur, d'ailleurs) mais elle fait partie de ces chansons qui mettent mal à l'aise (la Marseillaise aussi d'ailleurs: ceux de gauche la trouvent trop brutale et bêtement nationaliste, les gens de la droite traditionnelle la trouve trop "rouge"... bref, notre hymne national est loin de faire l'unanimité, surtout de nos jour) et rien que pour cela, elle a quelque mérite.

Brassens s'est fait fortement critiqué-y compris par ses proches- pour sa chanson "les deux oncles" plus encore que pour "la guerre de 14-18" (qui est humoristique et ironique, bien évidemment, mais l'ironie n'est pas toujours bien comprise) et "la tondue".
Moi-même, j'ai un peu du mal avec elle: elle prône une absence de parti pris et de jugement qui n'est pas justifiable dans le cas précis de la seconde guerre mondiale. Quand il dit -désolé, je simplifie- que ses oncles ont été stupidement tués pour avoir été l'un pro-allemand l'autre pro-allié, et que lui a eu l'intelligence de ne pas prendre parti et qu'il vit encore, il est gonflé: quoi qu'il dise, il y a eu un agresseur: l'Allemagne nazie, et tout ceux qui ont suivi et collaboré avec ce pays à ce moment-là ont eu objectivement tort. Ne pas voir la différence entre l'agresseur et l'aggressé est non seulement une faute morale, mais aussi un aveuglement, même si souvent les choses sont compliquées (c'est pourquoi j'ai parfois envie de soutenir les flics qui font un dur métier dénigré trop souvent, y compris sur ce forum :mrgreen: )

Après je trouve effectivement hypocrite notre époque qui se voit encore comme "résistante" (le succès du livre de Hessel est à ce titre très révélatrice) et qui aime, contrairement à Brassens, distinguer deux camps bien nets: celui du bien (où l'on est confortablement installé, admirant sa propre beauté morale faite de compassion pour les opprimés et de discours anti-méchant ) et celui du mal (où l'on trouve les salauds habituels:les oppresseurs, les USA, Israël, notre président etc...).

Bon, je vais m'arrêter là, vive Brassens! mais même un fan peut émettre des réserves, et je pense que toi aussi Yace, tu dois être comme moi vis à vis de cette chanson: elle est la seule avec laquelle je ne suis pas entièrement d'accord.
Dernière modification par sisi le 04 mai 2011, 11:00, modifié 1 fois.
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Ah, Les Deux Oncles. Chanson polémique par excellence. Moi je la trouve vraiment puissante, surtout venant de la part d'un homme qui a été réquisitionné pour le STO.
Brassens appelle à la réconciliation dans un genre de raisonnement par l'absurde, une fois les atrocités commises et achevées, qu'aurait été la vie si les passions avaient cessé face à la raison qui aurait fait que les deux oncles, au lieu d'être six pieds sous terre, trinqueraient ensemble à leurs santés.

D'ailleurs, Les deux oncles annonce un titre suivant de Brassens, Mourir pour des idées, dans lequel Brassens finalement se montre encore très humain (la vie humaine qui n'a pas de prix, même celui d'une idée) et aussi très individualiste face à la masse...C'est pour cette raison que ces titres m'ont marqué, et j'y ajouterai l'exemplaire Le Pluriel qui est une synthèse parfaite de ce que doit être la valeur de l'individu face au "troupeau".

Dans ce sens, Brassens se rapproche également de Louis Lecoin, qui bien qu'ayant souffert de la bureaucratie militaire (c'est pas peu dire !), avait appelé dès la libération à la reconnaissance suprême de la dignité d'homme par delà les passions (en vous renseignant vous verrez pourquoi je tiens Louis Lecoin pour l'un des grands hommes du siècle dernier), ou même de Louise Michel qui alla jusqu'à elle-même défendre l'homme qui avait tenté de l'assassiner. Admirable grandeur d'esprit.

Brassens, dans ses articles de Libertaire, a parfois pris sa revanche face au régime de Vichy et à ses tenants, et également face à certains sinistres personnages de notre histoire tels Marcel Déat ou encore Jacques Doriot, mais n'a jamais appelé à des châtiments comme la peine de mort, à laquelle il était résolument hostile ( Le Gorille, La messe au pendu, Le Chêne, Celui qui a mal tourné, L'Assassinat) mais le caractère partisan de Brassens est parfois assez difficile à cerner. Anarchiste individualiste, réfractaire à toute soumission, anticlérical, il réfutera Mai 68 -contrairement à Ferré- et militera toute sa vie pour une simple reconnaissance de l'individualité comme seule et unique valeur défendable face à une société politisée et superficielle ( Les Trompettes de la Renommée). D'ailleurs, il eut comme joie dernière de voir la peine capitale abolie le 9 octobre 1981, trois semaines avant de partir, comme Bonhomme, de mort naturelle.

Revenons à La Tondue. Que Brassens ait été choqué se comprend aisément. Humiliations sommaires pour des femmes dont on a assimilé la vie privée à des actes de collaboration publiquement étalés. L'auteur déclarait que si des hommes couchaient avec des allemandes, ils n'auraient été ni tondus ni castrés, alors pourquoi réserver cette mise au pilori de manière aussi lâche et sauvage ? Dans son texte, il se pare même de l'un des accroche-coeur d'une "Tondue" pour pallier le défaut de Croix d'honneur et de Croix de Guerre à sa boutonnière, ce qui au regard de cette masse qu'il détestait, de ces "Imbéciles heureux qui sont nés quelque part" le fait passer pour un suspect...Suspect d'être plus que jamais attaché à la dignité de l'individu, dignité que l'on bafoue et souvent par des "résistants de 1946" ? Seul face au troupeau, l'individualiste Brassens nous offre au travers de thèmes controversés une éclatante leçon de courage et de franchise, lui qui, contrairement à ceux qui saluaient Pétain en 1940 et s'étaient découvert la fibre ésistante en février 1945, avait desrté le STO, ce qui de mon point de vue est une forme de Résistance également.

Vraiment, Brassens était unique.
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Yep, Yace d'accord avec toi à 100 %, mais encore une fois, son individualisme extrême a ses limites, et parce que notre monde est ainsi et pas comme on voudrait qu'il soit, je pense qu'il y a des moment où il faut prendre position parfois.
il a déserté, c'est effectivement pas mal, mais quand il dit finalement ne pas faire de vraie différence entre, par exemple, De Gaulle et Pétain est à mon sens une énorme erreur.
L'oncle qui aimait les tommie a eu raison, contrairement à celui qui aimait les teutons, et quand il dit "Tout le monde s'en fiche à l'unanimité" c'est absolument faux, puisque on arrête pas de nous reparler des "années sombres" et de la seconde guerre mondiale.

Bon, j'arrête là pour aujourd'hui (je m'en vais bosser), et c'est vrai "mourir pour des idées" est une de mes chansons préférées, mais va t'en dire ça dans une école coranique du Pakistan, ça ne passera pas fortement.
Dernière modification par sisi le 29 avr. 2011, 14:17, modifié 1 fois.
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Mais il dit aussi "Maintenant que vos filles et vos fils vont la main dans la main, faire l'amour ensemble et l'Europe de demain", ainsi que "La vie comme dit l'autre a repris tous ses droits, elles ne font plus beaucoup d'ombre vos deux croix".

Deux phrases qui illustrent parfaitement la profondeur de ce texte controversé. Et si Brassens n'avait pas De Gaulle en très haute estime, c'est qu'il était, l'aura-t-on dit et répété, anarchiste !^^

Merci aussi de ta dernière phrase qui m'a fait sourire, mais parler de Brassens dans des "écoles" corabiques du Pakistan, ce serait donner du caviar à des raloufs !^^

Et quand même, Brassens est arrivé à faire parler le Soldat Inconnu dans Fernande, car après tout ce pauvre type mort comme un mouton à l'abattoir à une époque où la vie humaine valait moins que celle d'un cafard a le droit de bander quand il pense à Fernande, à Félicie, à Léonore..Mais plus quand il pense à Lulu.
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