7 Jours / 7 Epics
~ Jour 6
A plusieurs reprises j’ai pu assister ces dernières années aux concerts parisiens de la série " Zappa plays Zappa " organisés par le fiston du maître : Dweezil.
Une bonne occasion de découvrir live, tout du moins d’avoir un petit aperçu d’une œuvre absolument colossale à tous les points de vues.
J’ai découvert
Frank Zappa tardivement et je n’ai encore pas écouté grand chose en fait. Son œuvre parait si infinie …
Assez rapidement Zappa enregistrait et archivait absolument tout ce qu’il faisait, les concerts, les démos, absolument tout. Ainsi il existe un lieu familial baptisé
The Vault ou sont stockés une quantité astronomique de bandes.
Il y en a tellement qu’encore aujourd’hui sortent des albums posthumes bourrés d’inédits et de concerts et ce n’est pas prêt de finir.
Décrire l’œuvre de Zappa est très compliqué et sans doute sans grand intérêt au fond. En réalité depuis sa jeunesse jusqu’à sa disparition on se prend dans la figure une suite conceptuelle protéiforme qui n’a selon moi dans la musique moderne aucun équivalent en termes de richesse, créativité.
Zappa est inclassable, sa musique est un fourmillement d’idées en continue et un divertissement intelligent et percutant comme un gros coup de poing dans la gueule, Zappa composait une musique savante et très contemporaine sans se cantonner à aucun style et sans se prendre au sérieux.
Tantôt utilisant le " chanté/parlé " (je pense que cet homme est involontairement à l’origine du rap), tantôt utilisant une orchestration diversifiée (cuivres), détournant tous les genres connus que ce soit le jazz, le rythm and blues, le hard rock, le Doo wop, le reggae (il a conçu d’incroyables "vrais faux" reggaes), le rock progressif bien sur, le punk, la musique classique et j’en passe.
Zappa pressait son propre jus en s’inspirant de l’existant étant traumatisé tout jeune par la musique contemporaine (
Stravinsky,
Edgar Varèse et son œuvre
Ionisation notamment) en se moquant absolument de tout : les styles, les carcans, les étiquettes, les groupes, les modes, les femmes et leurs caniches déifiés, les télévangélistes qui empoisonnaient les médias américains, les radios qui ne voulaient pas diffuser ses compositions à tel point qu’un jour un morceau de lui fut diffusé sous un pseudo et immédiatement déprogrammé lorsque l’auteur fut connu.
Il était fréquemment attaqué pour ces textes " offensants ", l’Amérique puritaine ne pouvait pas comprendre les alertes de ce clown de génie, ultra pragmatique et avec un sens de la répartie sur les plateaux télés hors du commun. Il est dit qu’il a gagné tous les procès qu’on lui a collé au cul.
Le premier macaron "
Parental Explicit Lyrics " c’était grâce/à cause de Zappa : collé sur le fantastique album "
Jazz from Hell " qui était entièrement … instrumental !!!
Zappa décoré " Chevalier des arts et des lettres "par Jacques Lang, Zappa adulé en Europe surtout de l’Est, Zappa qui donnera son nom à un astéroïde, Zappa qui collabore avec
Boulez, Zappa metteur en scène, Zappa savant fou de la musique et découvreur de talents, Steve Vai, Terry Bozzio, Napoléon Murphy Brock, Ruth Underwood, Georges Duke et un long etcetera …
Ce qui est drôle pourtant est qu’il y a beaucoup de choses que je n’aime pas chez lui musicalement parlant mais c’est un génie de la composition, un architecte du son, un savant de la mélodie drôle et attachant, un guitariste au feeling incroyable (incapable de jouer sans regarder sa guitare), un chef d’orchestre unique, un pourfendeur d’idoles et surtout un artiste sincère totalement dévoué à son travail.
Comme le disait le virtuose Steve Vai qui fut embauché pour exécuter les parties de guitares impossibles, " Zappa est une étude à vie ".
Voici pour commencer l’Epic du jour et qui est un de mes morceaux préférés de Monsieur Zappa.
The Black Page est un morceau en deux parties qui parait-il est très compliqué à jouer surtout pour le batteur (c’est pour ça que c’est le monstre
Terry Bozzio qui s’en occupe
).
Ce morceau est génial, je le trouve très abstrait et très progressif dans l’âme.
Steve Vai participe et Dweezil Zappa ainsi que les musiciens autour font un boulot remarquable.
The Black Page Part I, Part II ( Zappa Plays Zappa)
Un extrait de
Baby Snake, un concert phénoménal et totalement fou.
~ Improvisation (Baby Snake)
Un autre thème issu de " Jazz from Hell " que j’adore avec passion.
Ici le thème est repris magnifiquement par l’ensemble moderne inter-contemporain allemand mais à l’origine Zappa le composa sur synclavier avec de nombreux autres thèmes. Une étape de composition ou Zappa était moins disposé à faire de longues tournées et où les musiciens commençaient à avoir du mal à mémoriser par cœur la 100aine de morceaux pour les concerts que réclama le maestro.
Zappa était d’une rare exigence et interdisait à ses musiciens en tout cas pour les concerts, toute substance pouvant altérer les shows.
A la fin des années 80 Zappa se concentrait désormais sur des compositions pour orchestre avec notamment " The Yellow Shark " peu avant de mourir.
Night School (tiré de l’album Jazz from Hell)
Et pour terminer cet aperçu Zappaien voici un thème qui clôture le film
200 Motels dirigé par Zappa bien sur et que je vous recommande tellement il est fou, décalé et musicalement génial !
Strictly Genteel - New York 1981
Quelques répliques et citations de Frank Zappa :
" Comment qualifier ma musique ? Difficile de vous expliquer si vous n'avez jamais goûté le couscous ! "
" Dans mes compositions, j'ai recours à un système de poids, d'équilibres, de tensions et de relâchements maîtrisés - un système d'une certaine manière similaire à l'esthétique de Varèse. "
« Ne soyons pas trop sévères avec notre propre ignorance. C'est ce qui fait la grandeur de l'Amérique ! »
« Hey, vous savez quoi? Je ne suis pas noir, mais bien souvent, j'aimerais pouvoir dire que je ne suis pas blanc ! »
« Regardez chaque homme qui a été président des États-unis. Est-ce que je pourrais faire pire ? Si j'arrive à distinguer la merde du cirage, je ne peux pas faire pire ! (à propos de son éventuelle candidature à la présidentielle de 1992) »
« Le jazz n’est pas mort, c’est juste qu’il a une drôle d’odeur »
« L’esprit c’est comme un parachute, il ne fonctionne pas s’il n’est pas ouvert. »
« J'ai un message important à délivrer à toutes les personnes mignonnes dans le monde : Si tu es là est que tu es mignon, peut-être même es tu magnifique, je vais te dire un truc : nous, les fils de putes laids, nous sommes plus nombreux que vous, hey, alors faites gaffe !! »
« L'information n'est pas la connaissance. La connaissance n'est pas la sagesse. La sagesse n'est pas la vérité. La vérité n'est pas la beauté. La beauté n'est pas l'amour. L'amour n'est pas la musique. La musique est la meilleure des choses. »
« J'ai dû fumer dix cigarettes de marijuana dans ma vie. Tout ce que cela m'a fait, c'est me donner mal à la tête, la gorge sèche et envie de dormir. Je n'arrive pas à comprendre que tous les gens se précipitent sur ce truc. Cela me paraît être un passe-temps peu pratique, dans la mesure où ça peut vous envoyer en taule »
« Que celles qui ont les nichons à l'air le fassent de façon à ce que TOUT LE GROUPE puisse les voir ! (en live, 1982)
" Je n'ai jamais appartenu à aucun parti, à aucune organisation. Je n'aime pas la gauche, je n'aime pas les communistes, ni les socialistes, je ne crois pas que ce qu'ils ont à offrir au public est vrai. Le seul exemple de système politique et économique auquel les individus semblent adhérer naturellement est le capitalisme. La preuve en vient des pays communistes eux-mêmes. Quoi qu'ils en disent et quoi qu'ils désirent, les gens ont une nature capitaliste "
« La presse, je m'en fous. Quand on me demande une interview, je la fais. Sauf quand c'est avant midi. »
" Un pays n'existe pas s'il ne possède pas sa bière et une compagnie aérienne. Éventuellement, il est bien qu'il possède également une équipe de football et l'arme nucléaire mais ce qui compte surtout c'est la bière. "
Ma préférée :
" N'importe quoi, n'importe quand, n'importe où, et sans la moindre raison. "
La Musique rend libre