Pour cette douzième chronique (je compte d'ailleurs déposer un copyright sur ce concept de "fanboy inside" afin d'éviter les téléchargements sauvages), il ne sera ni question de shoot them up, ni question de support, ni question de films pornographiques danois ou de commentaire littéraire sur l'oeuvre (remarquable au passage) de Stéphane Mallarmé. Mais bel et bien d'un jeu de combat qui aujourd'hui est un peu tombé dans l'oubli, et ce malgré son caractère franchement innovant (mais chut, n'anticipons pas).
Essuyez-vous les pieds et chaussez vos patins avant d'entrer dans ce Fanboy Inside consacré à Killer Instinct !
Killer Instinct : le retour de Nintendo en arcade
Arrivé en octobre 1994 sans grande publicité, Killer Instinct marque un retour de Big N sur la scène arcade, retour assez inattendu mais scellé par de vils et mesquins impératifs financiers...Nintendo avait été ostensiblement absent du monde de l'arcade depuis 1987, date de sa participation à un jeu édité par Irem Corp, jeu dont je n'aurai pas l'outrecuidance de vous rappeler le titre, spécialement sur un forum dédié aux shoot them up.
Fruit de l'association de Big N avec la société Rareware, ce nouveau jeu de baston profita aussi de la notoriété de Midway, surfant encore sur le récent succès de son Mortal Kombat II, dont Killer Instinct reprend quelques grandes lignes.
Un petit rappel sur Rareware : studio anglais fondé en 1982 par les frères Stamper, au départ baptisé Ashby Computer & Graphics puis Ultimate Play the Game, la future Rareware commença son activité en 1983 en développant sur CPC et MSX, puis pris le nom de Rareware en 1985 après avoir vendu son catalogue de licences à U.S.GOld. C'est à ce moment que Rare s'interessa à la Famicom, et le génie de ce studio se retrouve derrière des titres comme Off Road ou encore Battletoads (excellent jeu par ailleurs d'une difficulté cauchemardesque !). Sa suite Battletoads in Battle maniacs sera d'ailleurs le seul jeu Rare à sortir sur Super Nintendo avant le décisif et mythique Donkey Kong Country, fruit de la volonté des frère Stamper de conjuguer leur savoir faire technique avec un héros de légende de l'histoire des jeux vidéo...Ce qui sonna d'ailleurs le revival du grand gorille copain de Super Mario. Et au vu du résultat, je n'hésite pas à dire que nous tenons là le retour le plus tonitruant jamais opéré par un héros de jeu vidéo.
Depuis 2002, Rareware appartient à Microsoft et participe à sa branche de développement ludique.
Et si on causait du jeu ?
L'histoire générale du jeu, même si le joueur lambda s'en fout royalement in game, est intéressante cependant. La société Ultratech, énorme conglomérat de fabrications d'armes, organise un tournoi pour des raisons obscures, le Killer Instinct Tournament. Là où le scénario prend une profondeur toute nouvelle, c'est dans les motivations personnelles des 11 protagonistes au taquet pour recevoir des coups de lattes et autres bourre-pif en rafale, ou plutot en combo.
Ce qui m'amène à les présenter brièvement.
Orchid : sacrifiant à la tradition du personnage féminin dans le roster de tout jeu de baston depuis Chun-Li, Orchid est un agent spécial chargé d'enquêter sur les magouilles de l'Ultratech.
T.J.Combo : champion poids lourds de boxe depuis 5 ans, Combo fut déchgu de son titre non pas pour avoir refusé de partir au Viet-Nam comme un certain Mohamed Ali, mais plutot car ses bras étaient "cybernétiquement" dopés...Afin de se refaire, Combo entre dans la compétition.
Riptor : création du génie génétique par les scientifiques de l'Ultratech, Riptor est un mix entre intelligence humaine et férocité reptilienne, testé à l'occasion du tournoi. Ca change des dinosaures en carton pâte de l'immonde Primal Rage !
Cinder : criminel soumis par l'Ultratech à une série de tests chimiques qui ont rendu son corps incandescent, Cinder est également testé au cours du tournoi afin de quantifier les nouvelles aptitudes de son corps.
Glacius : créature de glace arrivée par accident sur Terre, Glacius est capturé par l'Ultratech et enrôlé de force dans la compétition, il semblerait que l'Ultratech ait ainsi voulu opposer un être de glace à un être de feu.
Thunder : chef d'une tribu indienne, Thunder vient élucider la disparition de son frère lors du tournoi précédent. Tournoi dont on ne sait rien d'autre.
Jago : moine guerrier tibétain, Jago ressent un enjeu maléfique au tournoi de l'Ultratech. Afin d'accomplir son destin de justicier, il s'engage en bon samaritain dans la lutte.
Sabrewulf : le comte Von Sabrewulf est un homme atteint de lycanthropie. Les savants de l'Ultratech sont les seuls à pouvoir le guérir, et devinez quoi, pour ce faire, ils veulent d'abord observer un vrai lycanthrope au combat...
Spinal (personnage emblématique figurant sur la borne dédiée du jeu) : décidément, les savants de l'Ultratech sont tordus, et ont régénéré les cellules d'un guerrier antique...sans lui rendre sa mémoire (qui a parlé de Faye Valentine ?) afin d'en faire un être uniquement motivé par le combat.
Fulgore : Ultratech a aussi une branche robotique, leur prototype est fin prêt..Pour l'épreuve finale : le KI tournament.
Eyedol. Obscure création de l'Ultratech devenue incontrôlable, Eyedol est l'adversaire ultime dont on ne sait rien...On apprendra cependant qu'il est l'incarnation d'un des deux seigneurs de la guerre, le second étant...l'adversaire ultime de KI 2, Gargos.
Une fois le roster présenté, passons les banalités : le guerrier élu va devoir tanner les autres pour gagner le droit de se mesurer à Eyedol, et si la victoire est sienne...
KIller Instinct : le renouveau
Si Killer Instinct a su marquer les esprits, c'est pour son gameplay très spécial qui généralise ce qui était auparavant un exploit dans les jeux de cogne : le système d'enchainement, sur lequel repose absolument tout le jeu.
Les Street Fighter II et autres Mortal Kombat originels optaient pour une vision très "basique" du jeu de combat, à savoir la victoire grâce à des coups spéciaux parfois difficiles à exécuter. Compte tenu de la précision que réclamait ces coups spéciaux (sans déconner, vous y êtes arrivés de suite à sortir le Dragon Punch de Ryu ou encore le Atomic Buster de Zangief, vous ?), arriver à créer de menus enchainements de 3 voire 4 coups faisait déjà du joueur un expert...
Et bien, prenant le contre-coup de ce maniement parfois...austère, Killer Instinct reprend l'idée du combo et le radicalise au point de ravaler des enchainements parfois dépassant les 10 coups successifs au rang d'attaque "ordinaire".
Le combo devient dès lors une attraction, et sera même nommé selon son étendue.
3 hits : Triple Combo
4 hits : Super Combo
5 hits : Hyper Combo
6 hits : Brutal Combo
7 hits : Master Combo
8 hits : Awesome Combo
9 hits : Blaster Combo
10 hits : Monster Combo
11 hits : King Combo
12 hits et au delà : Killer Combo.
Contrairement à ce que l'on pouvait imaginer, les enchainements n'étaient pas ceux d'une suite de coups de base, mais bien une succession de commandes spécifiques dont l'agencement ordonné et judicieux déterminait la longueur. Le schéma de base de tout combo était le suivant :
Opening / Auto-double / Ender.
Cette décomposition des suites de coups était immuable en son principe, mais pouvait être rallongée si le joueur trouvait le moyen de les linker convenablement, aussi était-il possible avec certains personnages de faire des enchainements "usuels" dépassant les 25 hits ! Mais elle permet également de décrypter toute la mécanique d'exécution du jeu.
Et c'est là que j'en viens à parler de cette commande spéciale qui suffisait à elle seule à pimenter les match : le "COMBO BREAKER". Manipulation prore à chaque personnage pris dans une combo de casser net celle-ci et donc de s'épargner des dommages trop lourds, le Combo Breaker octroyait même à son exécutant des possibilités de frappe accrues...Et ne pouvait être accompli que lors des phases d'autodouble de l'adversaire, phase durant lesquelles votre assaillant tentait de relier les autres composantes de son enchainement. Donc il était recommandé au joueur de savoir décrypter les assauts adverses afin de savoir quand les interrompre vie la breaker...
Ce Breaker accentuait donc momentanément les capacités du joueur et augmentait ses facultés de "repêchage". Ce qui était assez indispensable pour l''exécution de combos rallongés, et notamment de l'Ultra.
L'Ultra Comboooooo ! Jouissance paroxystique
Car oui, nous en arrivons à l'Ultra combo !
De base, il s'agit d'une commande toute bête destinée à achever votre adversaire dans un déluge de coups d'une violence qui à elle seule suffisait à justifier la présence d'un "PARENTAL ADVISORY" sur les écrans de présentation du jeu. Cette commande se chiffrait à une suite de 18 coups et devait être lancée quand la barre de vie de votre compétiteur rentrait dans le rouge.
Et que voilà le prétexte à des assauts d'une cruauté assez inimaginable pour l'époque, exception faite des Fatality de Mortal Kombat II ! Ces ultra combo permettaient en outre d'exécuter parmi les enchainements les plus longs qui entrainaient ou pas la qualification du joueur au ranking "Combo City". Et certains laissaient au joueur la possibilité de récupérer son adversaire pour un ultime repêchage, repêchage d'autant plus long si le joueur avait réussi à placer un Combo Breaker durant son match (exception faite des ultra combo de Jago et Spinal).
Vous me suivez ? Le joueur qui préparait donc une "combo qualify" devait donc avoir placé au moins un breaker, bien mémoriser, maitriser la préparation de son ultra par un opening et une série de commandes liées entre elles par l'autodouble adéquat, puis enfin lancer son ultra et repêcher son adversaire.
Tout un programme !
DANGER..DANGER !
Vous vous rappelez que j'ai causé de Mortal Kombat II plus haut ? Et bien voilà pourquoi : Killer Instinct reprend à son compte les finish him institution de la série de Midway et les transpose ici, dans une optique cependant moins ouvertement gore et outrancière. Chaque personnage avait donc deux voire trois commandes de coup de grâce qui viraient de violent (mais pas gore, ici, exit les démembrements et autres décapitations nettes) au plus délirant (Riptor qui pète entre autres !). Et comme le combo est la religion de Killer Instinct, il était même possible d'enchainer un coup de grâce dans un combo, sous les mêmes conditions que celles de l'exécution d'un Ultra. Un combo ultime justement nommé ULTIMATE Combo.
Autre influence notable de Mortal Kombat : là où Mortal Kombat II toujours lui offrait au joueur la possibilité de se montrer généreux (FRIENDSHIP ! FRIENDSHIP !), Killer Instinct proposait une alternative pour ceux qui n'auraient pas entamé leur seconde pbarre de vie : l'Humiliation.
HUmiliation ? Oh que oui ! Pour implorer votre clémence, l'adversaire se mettait à se trémousser d'une manière souvent grotesque (Orchid qui danse une gendre de Breakdance foireux ou Riptor et Fulgore une petite gigue) ou stylée (TJCombo et son moonwalk qui aurait fait passer MJ pour un cul de jatte !). Le tout au son d'une musique bien débile...Ou comment rajouter de l'humour à un jeu qui revendiquait hautement son extrême violence...
LES BUGS
Peut-être pas prévus au départ par les programmeurs, les bugs du jeu ont paradoxalement ajouté à sa profondeur...En permettant des combos d'une longueur rallongée parfois à l'infini !
Qu'est-ce donc qu'un bug dans Killer Instinct ? Une façon pour le joueur expérimenté de berner l'ordinateur en lui faisant gober qu'un combo pourtant achevé ne l'était pas ! Et donc de pouvoir rajouter d'autres commandes par dessus...
Des exemples : après avoir lancé votre ender (mouvement final qui signe la totale exécution de votre combo en temps normal), si le joueur rajoutait des autodouble dans le vide, et bien..;cet abruti de computer perdait le fil et con sidérait le combo comme encore en cours d'exécution ! Et ce même après les commandes d'ultra combo, supposé pourtant être le combo de finition avec l'ultimate...Chez certains personnages ça frisait l'exrême, comme chez Cinder et Glacius qui pouvaient ainsi indéfiniment reêcher leur adversaire après l'ultra combo, sous reserver bien sur de placer les autodoubles avec une précision métronomique, pour pouvoir rajouter un ender qui relançait l'adversaire, et ainsi de suite...De quoi procéder à des successions de coups délirantes, certes répétitives, mais parfaitement jouissives car l'impression de duper le CPU était rien moins qu'excitante en diable. Pour l'anecdote, votre dévoué est détenteur de plusieurs records en combo et en score avec Cinder, mon perso fétiche par ailleurs...
Déroulement d'une partie
Invariable, comme tout jeu de genre : selection du joueur, confrontation, boss, fin. Mais Killer Instinct avait une approche dynamique du déroulement des matchs : ici, pas de round 1...Ready ;;;Fight ! Votre joueur et son adversaire, disposent de deux barres de vie (verte pour la première, rouge pour la seconde) et ne connait qu'un bref moment d'évanouissement entre les deux, puis se relève et repart comme en 14...Ce qui rendait les combats beaucoup plus vivants et moins formatés que ce qui se faisait dans les jeux de bourre-pif antérieurs.
Il était également possible de s'octroyer un ultime souffle après avoir perdu sa seconde barre de vie, et là la puissance du perso était doublée, mais aucun impact ne lui était alors plus permis. L'energie du désespoir, bien pratique parfois...Mais dangereuse quand elle émanait de l'adversaire !
L'ordre des lutteurs était aléatoire, sauf pour les trois derniers : l'antépénultième était Spinal (Wins 8 ), l'avant-dernier Fulgore (Wins 9) et donc Eyedol en adversaire ultime.
Ce même Eyedol était d'ailleurs déblocable via un code qui variait selon les versions du jeu, la commande devant être accomplie sur Riptor ou sur Cinder selon la localisation.
Le plus drôle étant la fin de ce monsieur Eyedol parodie ouverte de la fin fin émouvante de Blanka dans Street Fighter II. Chaque fin était composée de deux ou trois écrans animés qui concluaient l'histoire de chaque personnage.
Petit aparté sur Killer Instinct II (pour mémoire)
Sorti en 1996, la suite de Killer Instinct, logiquement nommée Killer Instinct 2, étoffe encore plus le système de combo avec l'obligation de placer 5 enders dans l'ordre et l'apparition d'une jauge de super destinée à lancée des commandes auxiliaires qui prenaient le relais des autodoubles afin de lancer des combos encore plus longs. Mais même si le gameplay s'en trouvait considérablement enrichi, la réalisation globale du jeu était largement en dessous de celle du volet premier, ce que certains joueurs dont votre dévoué eurent du mal à s'accommoder, l'aspect "démonstration technique" étant pour eux un aspect indissociable de "Killer Instinct"...Mais n'ergotons pas plus avant, KI 2 demeure un très bon jeu et un sommet de gameplay technique dans les jeux de marave.
CONCLUSION : un mythe mésestimé ?
Dire que Killer Instinct a très largement contribué à populariser l'enchainement dans les jeux de combat ,au point désormais que les jeux antérieurs à commencer par Mortal Kombat 3 de Midway s'y engouffrèrent tous, est une évidence. Aujourd'hui, certains déplorent un aspect un peu "rigide" du gameplay et de l'animation, et plus gravement, que Killer Instinct n'ait su proposer un VS mode attrayant. Ce qui n'est pas totalement faux, là ou le vs mode contribue à la durée de vie d'un titre du genre, KI était peut-être plus un jeu de combat à jouer en solo...Dans le but certes de vaincre Eyedol, mais aussi et même surtout de toujours lancer des combos plus longs et stylés les uns que les autres...
Les plus anciens qui comme moi ont du faire la queue dans leur salle d'arcade et faire leur classes à la dure sur l'apprentissage de ce gameplay révolutionnaire pour l'époque en garderont un souvenir un peu plus ému, je le gage bien volontiers...
Pour finir, Killer Instinct était la première borne d'arcade avec disque dur intégré, d'où aujourd'hui une conséquence inattendue à l'époque : une émulation beaucoup plus technique du jeu qui tourne très bien sous MAME 32 au demeurant. Mais après tout, il existe de très bons tutos d'émulation de KI et KI2 sur la toile, il me semble même que ces deux jeux bénéficient même d'un logiciel d'émulation bien spécifique...Pour ne pas vous spoiler la suite (et aussi pour que comme moi vous en chiiez un peu), je m'arrête là et vous laisse vous démerder
![Très content :D](./images/smilies/biggrin.gif)
A noter que Chris Stamper a tenu à ce que le patronyme Stamper apparaisse dans certains décors du jeu, un artiste se doit de signer son oeuvre.
A bientot pour le Fanboy Inside 13 (brevet en cours de dépôt).